L'ironie est complète. D'un côté, les libéraux fédéraux veulent changer le mode de scrutin parce qu'il déforme la volonté populaire. De l'autre, ils profitent de cette distorsion pour se donner une majorité de sièges dans le nouveau comité d'étude. Bref, ils tirent parti du problème pour mieux contrôler le choix de la solution.

Faudra-t-il un comité pour étudier la représentativité du comité sur la représentativité du mode de scrutin ?

Cela commence à ressembler à une réforme en poupées russes...

Le débat est bien mal lancé. En fait, il a dérapé dès le début. Lors de la dernière campagne, Justin Trudeau s'était engagé à ce que ces élections soient les dernières sous le mode de scrutin uninominal à un tour. Or, c'était une promesse qu'il ne pouvait pas tenir. Du moins, pas à lui seul.

Il avait une obligation de moyen, et non de résultat, car un gouvernement ne devrait pas changer à lui seul le mode de scrutin. Il a bien sûr le pouvoir de le faire, mais il n'en a pas la légitimité. En effet, le conflit d'intérêts serait trop grand. Le parti au pouvoir risquerait de choisir le mode de scrutin qui l'avantage. Les soupçons sont d'autant plus justifiés que l'automne dernier, les libéraux proposaient le mode de scrutin alternatif, un système complexe qui favorise les partis centristes. Bref, un système à leur bénéfice. Quant à eux, les néo-démocrates proposaient l'intéressante proportionnelle mixte, et les conservateurs s'en tenaient au statu quo.

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Le gouvernement Trudeau a depuis corrigé le tir en partie en assurant que tous les systèmes seront étudiés à leur juste valeur. Cela ne règle toutefois pas le problème de la composition du comité.

Malgré ce faux départ, la réforme n'est pas condamnée à l'échec. Pour la sauver, les libéraux doivent reconnaître que le mode de scrutin ne devrait pas être changé par un simple vote à majorité simple. Cela peut se faire en obtenant un vaste consensus à la Chambre des communes, comme Québec l'exige par exemple pour modifier sa carte électorale. Ou cela peut aussi se faire en consultant la population par référendum, comme l'ont déjà fait la Colombie-Britannique, l'Ontario et l'Île-du-Prince-Édouard. Dans chacun des cas, le statu quo a gagné.

Cela prouve deux choses. D'abord, que le mode de scrutin uninominal est moins impopulaire qu'on ne le prétend. Ensuite, qu'il est très difficile de trancher cette question dans un référendum. Une telle consultation populaire convient aux questions simples auxquelles on répond par « oui » ou « non », ce qui n'est pas le cas du mode de scrutin, où plusieurs choix complexes existent.

C'est cela que le comité doit maintenant étudier. Le délai prévu, de sept mois, ne devrait pas paraître court. Au contraire, on ne compte plus les études sur le sujet. La Commission du droit du Canada avait entre autres publié un rapport sur le sujet en 2004, tout comme le gouvernement Landry en 2002.

L'information ne manque donc pas pour vite passer de la science politique aux négociations avec les néo-démocrates et conservateurs.

Depuis son élection, le gouvernement Trudeau multiplie les consultations et comités. Réfléchir n'est pas mauvais, mais il faudra prouver que nous ne vivons pas non plus en consultocratie.

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