« La trappe se referme », prétendait lundi la ministre du Revenu Diane Lebouthillier après avoir dévoilé sa réponse aux Panama Papers.

La trappe se ferme, certes, mais à la vitesse d'un escargot. Un pénible millimètre à la fois. Il reste encore bien assez d'air pour que les fraudeurs respirent sans peine sous les tropiques fiscaux.

Mme Lebouthillier a annoncé que l'Agence du revenu obtiendrait plus d'argent (450 millions sur cinq ans). On y ajoutera 100 vérificateurs, qui s'intéresseront aux stratagèmes, aux multinationales et aux activités dans quatre paradis fiscaux. De plus, les institutions financières doivent désormais dévoiler les télévirements internationaux de plus de 10 000 $. Tout cela est bienvenu, mais très insuffisant.

Pire, quand on fait des liens, un certain humour noir apparaît dans les communiqués de la ministre. Car ce dont elle se félicite trahit en fait les ratés du fisc.

Il y a deux échecs : l'incapacité à trouver les délinquants, puis à les punir.

D'abord, la traque. Ottawa se réjouit d'avoir déjà conclu des accords d'échange de renseignements avec 22 pays, dont le Panamá en 2013. Or, Mme Lebouthillier demande en même temps au Consortium international des journalistes d'investigation de lui fournir ses informations. À quoi a servi l'accord avec le Panamá s'il n'a pas permis de les obtenir ? Et s'il ne le permet même pas encore ? La réponse : à pas grand-chose...

L'autre échec, c'est celui de la punition. Elle ressemble plus à une tape dans le dos qu'à une taloche derrière la tête. Notre programme de divulgation volontaire pourrait presque se nommer « Tentez votre chance ! » Il minimise en effet le risque de cacher son argent dans un paradis fiscal.

Si un contribuable craint que le fisc ne le découvre, il n'a qu'à déclarer son délit. Cela ne lui coûtera rien. Contrairement aux États-Unis, il ne payera alors pas de pénalité. En fait, il pourrait même obtenir une aubaine. Des clients de KPMG ont réussi à négocier à la baisse les intérêts sur l'impôt impayé de leurs revenus cachés à l'île de Man.

Bien sûr, ces ententes ont été conclues avant l'élection du gouvernement Trudeau. Mais cela rend tout de même un peu moins épeurante l'annonce pour les 350 contribuables et 400 entreprises qui font l'objet d'une enquête à cause de leurs activités à l'île de Man.

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L'espoir se trouve sur la scène internationale. Grâce à l'OCDE, les membres du G20 ainsi qu'une vingtaine d'autres pays ont signé une ambitieuse convention pour freiner l'érosion fiscale. Parmi les 15 mesures, on exigera entre autres l'échange automatique d'informations fiscales.

Cet accord volontaire aidera le Canada à combler les lacunes de son système. Le gouvernement Trudeau devrait mettre tout son poids derrière cette fragile initiative. Cela démontrerait que le Canada est bel et bien « de retour ».

PHOTO RODRIGO ARANGUA, AGENCE FRANCE-PRESSE

À quoi a servi l’accord d’échange de renseignements avec le Panamá s’il ne permet pas d'obtenir les informations révélées par le Consortium international des journalistes d’investigation dans l'affaire des Panama Papers ? se demande notre éditorialiste. Ci-dessus, le centre-ville de la ville de Panamá.

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