Si Mark Campbell agite son unifolié en ce jour du Souvenir, ce sera dans l'amertume. Après avoir perdu ses jambes et un testicule dans la mission afghane, cet ex-militaire a reçu un paiement forfaitaire de 250 000 $.

C'est nettement moins que la rente que lui aurait assurée la précédente Charte des anciens combattants, avant sa modification en 2006. Il a donc poursuivi le fédéral.

La nouvelle charte a été développée par Paul Martin puis adoptée par Stephen Harper. L'objectif était de passer « de la dépendance à l'opportunité ». Cela devait refléter le nouveau visage des militaires qui ne s'enrôlaient pas seulement pour une mission, mais s'engageaient dans une carrière.

L'aide visait à faciliter leur transition vers un autre métier. Ce virage est toutefois devenu une façon pour Ottawa de se délester de ses responsabilités.

Car les nouveaux vétérans quittent les Forces plus jeunes et vivent plus vieux, ce qui aurait gonflé la facture des rentes.

Certes, M. Harper a essayé de corriger le tir en créant un poste d'ombudsman pour les vétérans. Et en fin de mandat, il a adopté certaines des recommandations unanimes du comité parlementaire multipartisan pour bonifier l'aide. À son tour, M. Trudeau promet d'ajouter 300 millions. Par exemple, il rétablirait les pensions à vie et augmenterait les prestations pour les conjoints veufs.

Mais l'argent ne suffira pas. Même si la Charte devient plus généreuse, il manquera de personnel pour en administrer les programmes. Huit centres d'aide et plus de 900 postes ont été abolis dans les dernières années.

Les conséquences s'observent particulièrement pour les soins de santé mentale. Les délais d'accès demeurent trop longs, dénonçait le vérificateur général l'année dernière. Or, ces soins sont cruciaux à la suite de la mission afghane, dont la stratégie contre-insurrectionnelle plaçait les soldats au coeur d'une menace à la fois constante et invisible.

Parmi les quelque 40 000 militaires qui ont servi en Afghanistan, on dénombre près de 60 suicides, selon une récente enquête du Globe and Mail. Ce taux de suicide est cinq fois plus élevé que chez le groupe le plus à risque de la population civile, les hommes de 40-59 ans.

***

Le budget militaire est facile à réduire, mais cela ne suffit pas à expliquer l'attitude d'Ottawa. En effet, malgré tous les hommages qu'on leur rendra aujourd'hui, les anciens combattants sont devenus plus faciles à ignorer.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ils comptaient pour le dixième de la population. C'est sous cette impulsion qu'on a créé le ministère des Anciens Combattants et la première version de leur charte. Ce taux est aujourd'hui cinq fois inférieur.

Cela ne peut toutefois servir d'excuse. Si on est prêt à faire couler le sang au nom de la patrie, il faudrait avoir la décence de payer les pansements.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion