Le Vermont vient de démontrer son audace en cessant d'accepter l'inacceptable. Le petit État interdira aux parents d'invoquer des «raisons philosophiques» pour ne pas faire vacciner leurs enfants.

C'est une excellente idée, à part pour le choix des mots. Contrairement aux apparences, ce n'est pas pour poursuivre leur quête de l'absurde ou en démontrer l'éternel retour que des parents boudent les vaccins. Leur motivation est un peu moins métaphysique... Elle s'appuie sur des préjugés immunisés contre les faits.

La rougeole et la coqueluche ont presque été balayées grâce aux vaccins. Et malgré la rumeur, ces injections ne causent aucunement l'autisme. Mais la paranoïa de certains parents les incite néanmoins à priver leurs enfants du vaccin, et contribuer ainsi au retour de ces maux au Vermont, en Californie et ailleurs.

Bien sûr, on peut toujours trouver des liens bidon. Par exemple, un chercheur espiègle s'est amusé à «démontrer» que l'autisme augmente proportionnellement aux ventes de nourriture organique. Cela signifie quoi? Absolument rien. Une corrélation n'est pas un lien de cause à effet.

Le mérite du Vermont est de réaliser que certains refusent de le comprendre, et d'agir en conséquence. C'est-à-dire de rompre avec l'approche individuelle.

L'État avait déjà essayé en 2013 de s'adresser aux parents méfiants. Une nouvelle loi les forçait à lire une notice scientifique avant de refuser le vaccin. Mais cela n'a pas changé grand-chose. Une étude publiée dans Pediatrics a d'ailleurs démontré que les anti-vaccins ne changent pas d'avis dans une proportion significative quand on leur démontre leur erreur. Pire, un effet de ressac s'observe parfois.

En plus d'être inefficace, l'approche individuelle cadre mal le débat. Elle permet aux parents d'invoquer leur libre choix. Ils reprennent ainsi la logique du lobby américain des armes à feu, selon laquelle un individu sera plus en sécurité s'il possède une arme. En théorie, c'est vrai. Mais si tous l'imitent, la population entière sera armée. Ce qui était justifié sur le plan individuel devient alors insensé à large échelle. De la même façon, un enfant risquerait peu s'il était seul à ne pas être vacciné. Mais plus des jeunes l'imitent, plus la maladie risque de circuler. Le seuil critique, 5% de la population non immunisée, a notamment été franchi au Vermont et en Oregon.

Certes, les anti-vaccins ne rationalisent pas ainsi leur croisade. Le mouvement ressemble plutôt à une étrange rencontre entre la droite phobique de l'État, qui sacralise le libre choix, et une certaine gauche qui abandonne le progrès pour un retour au passé, jugé plus authentique. Ces militants craignent la «technoscience» et s'intéressent parfois à la sagesse des médecines anciennes. Mais curieusement, on ne retient jamais les saignées ou les lavements...

Il s'agit d'un problème collectif de santé publique, qui requiert une solution du même type. Dans les mesures, pour empêcher les refus injustifiés. Et dans le discours, pour rappeler que les anti-vaccins ne s'inquiètent que de leur santé, au mépris de celle des autres. Il y a un mot pour cela: égoïsme. C'est un des visages bien modernes de l'authenticité.

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