Le pavillon du mont Royal est plus associé aux mégots de joints ou aux joueurs de aki qu'à l'oeuvre de Mordecai Richler. C'est pourtant l'étrange lieu que le maire Tremblay avait choisi en 2011 pour commémorer l'écrivain montréalais.

Le pavillon est encore rouillé, avec un plancher aussi solide que la volonté de la Ville, à l'époque, de lancer le modeste chantier. Heureusement, le maire Coderre a repris le dossier, comme il l'avait fait avec le boulevard Robert-Bourassa. Les travaux commenceront bientôt.

En collaboration avec la famille Richler, M. Coderre cherche aussi un autre endroit. Parmi les idées qui circulent, un choix semble particulièrement approprié: la bibliothèque du Mile-End. Aucun lieu n'aurait à être débaptisé. Et on associerait enfin le grand écrivain avec ce qui devrait importer le plus chez lui, ses romans.

Richler n'était pas reconnu pour son sourire... L'hésitation de Montréal à l'époque s'expliquait au moins en partie par l'abrasivité du personnage. Peu d'artistes ont autant polarisé les Québécois. Ses jets de lave contre les nationalistes sombraient parfois dans la pure mesquinerie. Et il les publiait dans de prestigieuses revues étrangères comme le New Yorker, ce qui salissait l'image du Québec.

Cela ne devrait toutefois pas empêcher d'honorer sa mémoire. Ce serait une vision réductrice de l'homme, de son oeuvre et de l'idée même de commémoration.

Richler ne doit pas être enfermé dans le clivage franco-anglo. C'était la lecture classique des années 80 et 90. Mais il y en a eu une autre. Au début de sa carrière, il était avant tout critiqué par les siens, qui l'accusaient d'antisémitisme.

Richler rappelle que la petite misère se vivait aussi en anglais, dans sa communauté coincée entre les deux solitudes. Il n'épargnait personne: les juifs qui voulaient s'élever en élevant un futur médecin, les «WASP» de Westmount, les «pea soup» et leur plages pour Gentils et même le nationalisme de l'intelligentsia anglophone, qu'il jugeait provincial.

Refuser de le commémorer, ce serait aussi céder à la détestable tendance d'évaluer un artiste à partir de son discours social ou, pire, de ses coups de gueule médiatiques. Si on y cède, c'est peut-être parce qu'on ne lit plus vraiment les oeuvres. C'est pourtant là que réside l'essentiel. Ses romans racontent une facette de l'histoire de Montréal avec une plume parfois tendre, souvent caustique, et jamais mièvre.

C'était la vision, comme l'a déjà raconté un de ses personnages, d'un «grincheux impénitent, toujours prompt à (se) réjouir des fautes de ceux qui (le) dominent socialement».

Enfin, la commémoration d'un artiste ne constitue pas un certificat de bonne conduite, une récompense pour une existence dynamique et équilibrée. Elle sert à saluer une oeuvre et l'inscrire dans la mémoire de la métropole.

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