Contrairement à ce que laisse entendre son titre ronflant, le projet de loi C-44 « sur la protection du Canada contre les terroristes » ne répond pas aux nouvelles menaces contre la sécurité nationale. Il risque de changer peu de choses dans les pratiques actuelles. Ce qui ne signifie pas bien sûr que toutes ces pratiques, mal connues, soient acceptables.

La nouvelle menace contre les droits fondamentaux réside plutôt dans le projet de loi sur la cybercriminalité déposé l'année dernière, et peut être aussi dans un projet de loi à venir qui doit répondre aux demandes policières, notamment sur la preuve nécessaire pour arrêter un présumé terroriste.

Grâce au lanceur d'alerte Edward Snowden, on connaît la choquante étendue des programmes américains de surveillance. Ils ont servi à espionner tous les citoyens, sans demander de mandat à un juge. Selon Snowden, les États-Unis pourraient partager ces informations avec quatre pays alliés, dont le Canada, dans le cadre de l'alliance Five Eyes.

Dans un rapport caviardé rendu public l'été dernier, le commissaire (un ombudsman) du Centre de sécurité des télécommunications (CSTC) prévenait que Five Eyes pouvait violer la vie privée de Canadiens. Il exhortait le Canada à protéger ses citoyens. Le CSTC a indiqué qu'il pouvait parfois amasser des informations de citoyens canadiens dans ses filets, sans vouloir en préciser l'étendue.

Si ces programmes sont plus vastes qu'on ne l'admet, cela pose deux problèmes. C'est une intrusion dans les libertés civiles. Et c'est peut-être aussi une stratégie inefficace. Quand le filet devient trop vaste, on ne réussit plus à y trouver ce qu'on cherche.

Le projet de loi C-44 ne vise toutefois pas à contourner la demande de mandat. Il permet plutôt à Ottawa de demander un mandat à un juge pour espionner certains citoyens à l'étranger, parfois en collaboration avec ses alliés. Le gouvernement fédéral avait omis de mentionner ce partage en 2009 quand il avait demandé un mandat aux tribunaux ciblant deux suspects particuliers. La Cour fédérale le lui a sévèrement reproché l'année dernière.

Plusieurs interrogations légitimes entourent les services de renseignement. Malheureusement, le comité de surveillance du SCRS manque de moyens. Sa composition pose aussi problème. Ses membres sont nommés par le premier ministre, qui y a déjà choisi à la présidence le sulfureux Arthur Porter.

C'est à ce problème que le gouvernement conservateur devrait s'attaquer. Il pourrait, comme le recommandait le rapport du juge O'Connor sur Maher Arar, aider les différents chiens de garde actuels des agences à partager de l'information et mener des enquêtes communes. Autre solution : créer un comité formé d'élus et de sénateurs, inspirés par ceux des États-Unis et du Royaume-Uni, pour surveiller les différentes agences de renseignement.

Peu importe le choix du modèle, il faudra mieux surveiller le surveillant.

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Dans son rapport déposé cet automne, le comité de surveillance du SCRS s'inquiétait notamment de l'étendue du filet des services de renseignement et du manque de collaboration entre les différents bureaux. Pour lire le rapport complet : http : //www.sirc-csars.gc.ca/pdfs/ar_2013-2014-fra.pdf

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