La désertion du mariage exige une réforme du droit familial, mais pas celle que propose le Conseil du statut de la femme (CSF).

Ce droit remonte au début des années 80. La majorité des enfants naissaient alors de couples mariés. On a permis aux ex-mariés de réclamer une pension alimentaire pour un enfant et une autre pour eux, en plus de partager le patrimoine.

Les conjoints de fait ont seulement droit à une pension pour enfant. Certes, comme tout citoyen, ils peuvent aussi intenter un recours en enrichissement injustifié. Une femme pourrait par exemple plaider qu'en s'occupant des enfants, elle a permis à une autre personne, son mari, de travailler à temps plein et s'enrichir grâce à elle. Cela ne relève toutefois pas du droit familial. La preuve est difficile à faire, et le processus est long et coûteux.

Le régime actuel donne ainsi un statut spécial au mariage. Il semble que ce n'était pas l'objectif. C'était plutôt un moyen. Afin de protéger les familles, on protégeait les couples mariés, d'où elles provenaient.

Or, la majorité des enfants naissent aujourd'hui d'unions de fait. Pour réformer le droit de la famille, il faudrait revenir à ce qui en constitue le coeur, la présence d'enfants. Et l'appliquer autant aux unions de fait qu'aux mariages.

Le nouvel objectif pourrait être de répondre à «l'interdépendance économique», selon les termes du professeur de droit Alain Roy, président du comité qui fera rapport l'année prochaine à la ministre de la Justice. Cette interdépendance provient des enfants, à cause des sacrifices faits par le conjoint qui s'en occupe le plus.

Les défenseurs du régime actuel plaideront que les couples choisissent librement de se marier ou de vivre en union de fait, avec les conséquences que cela implique. Modifier cela reviendrait selon eux à banaliser et fragiliser l'institution du mariage.

Or, les couples se marient d'abord pour des raisons religieuses, culturelles et affectives. La protection légale constitue davantage un effet collatéral.

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Mais il y a un pas de trop franchi par le CSF. Avec la libéralisation des moeurs, les modèles de couples se sont diversifiés. Assujettir tous les conjoints de fait, avec ou sans enfants, au régime actuel créerait plusieurs problèmes d'applications. Et aussi des problèmes de principe.

Certains ont qualifié le CSF de «paternaliste». Ce n'est pas en soi un argument convaincant. Le paternalisme peut être justifié, par exemple pour limiter, au nom de la santé publique, le volume des boissons gazeuses. L'État intervient alors dans sa relation avec un citoyen, dans l'intérêt de tous. Le problème, c'est que le CSF irait plus loin en intervenant dans la relation entre deux citoyens autonomes. Et il le ferait pour redistribuer leurs biens, même si l'inégalité ne résulte pas de leur relation, et même s'ils n'ont pas signé de contrat de vie commune pour se donner de telles exigences. 

L'organisme peut défendre une telle vision égalitariste du couple, mais ce n'est pas à l'État de l'imposer.

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