Devrait-on payer pour utiliser Facebook ?

Une chercheuse américaine, Zeynep Tufecki, souhaite le faire. Et elle n'est pas tombée sur la tête.

L'universitaire souligne, à l'appui de sa demande, que la « gratuité » du service offert par l'entreprise de Mark Zuckerberg est trompeuse et ne reflète pas la nature du troc sous-jacent.

Les usagers du réseau social ont en effet tendance à oublier, souligne-t-elle, que l'entreprise sonde leurs écrits et leurs activités en ligne pour dresser un portrait de plus en plus élaboré de leur personne. Et qu'elle met ce profilage à profit auprès d'annonceurs qui veulent mener des campagnes ciblées.

Mme Tufecki préférerait payer des frais mensuels en contrepartie de l'assurance que ses faits et gestes en ligne ne seront pas suivis à la trace et analysés à des fins commerciales.

Sa préoccupation mérite d'être entendue.

Les usagers des réseaux sociaux ne réalisent pas toujours à quel point des données d'apparence anodines peuvent en dire long à leur sujet.

Des chercheurs de Cambridge ont notamment démontré récemment que l'analyse des messages « J'aime » d'adeptes de Facebook permettait de deviner avec précision leur groupe d'âge, leur quotient intellectuel, leur orientation sexuelle ou encore leurs traits de personnalité.

L'annonce d'un autre groupe de recherche qui a réussi à affecter l'humeur d'usagers du réseau social en envoyant des messages négatifs ou positifs par leur fil d'actualité a aussi suscité une levée de boucliers.

Google, qui repose sur un modèle économique similaire, a aussi été montrée du doigt en raison du traitement qu'elle fait des données générées par ses usagers, tant en Amérique du Nord qu'en Europe.

La firme a notamment dû se défendre en cour contre des utilisateurs de son service Gmail qui lui reprochaient de « scanner » le contenu de leurs courriels à des fins commerciales. Yahoo fait face à un recours collectif pour des raisons identiques.

Les entreprises du milieu ont multiplié au cours des dernières années les réformes devant permettre aux usagers d'avoir une meilleure compréhension de ce qui est fait des données qu'ils génèrent et un plus grand contrôle à ce sujet. Google fait par exemple valoir qu'il leur est possible, aujourd'hui, de refuser les publicités ciblées et même d'éliminer l'historique de leurs activités.

Les détails à ce sujet sont souvent noyés dans les politiques d'utilisation que peu de gens prennent le temps de lire attentivement avant approbation, ce qui limite la portée du consentement obtenu.

Pierre Trudel, de l'Université de Montréal, note que les tribunaux nord-américains et européens ont tendance à considérer que les usagers sont « majeurs et vaccinés » et ne peuvent prétendre ignorer ce qu'ils ont officiellement autorisé.

Le constat légal ne change rien à la responsabilité morale des entreprises, qui doivent faire preuve de la plus grande transparence à ce sujet.

À défaut de permettre aux émules de Mme Tufecki de payer pour se soustraire à tout filtrage de leurs activités en ligne, les Google et Facebook de ce monde doivent s'assurer que le troc inhérent à l'approche économique qu'ils privilégient est clairement compris et approuvé par leurs utilisateurs.

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