Coup de théâtre. Quelques minutes avant de partir en vacances vendredi après-midi, le maire de Québec, Régis Labeaume, a convoqué les médias. De bonne humeur, il a annoncé qu'il avait réglé une fois pour toutes l'épineux dossier du cimetière musulman de Québec.

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a félicité le maire Labeaume sur son compte Twitter, qualifiant la décision de «grand et courageux pas en faveur de la dignité et de la décence». À Québec, plusieurs ont poussé un long soupir de soulagement.

La solution était pourtant bien simple. La Ville de Québec est propriétaire d'un terrain attenant au cimetière Notre-Dame-de-Belmont dans le secteur Sainte-Foy de la ville de Québec. C'est dans ce même secteur que se trouve le Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), victime d'un attentat qui a fait six morts le 26 janvier dernier.

En 2008, la communauté musulmane avait tenté d'acheter un terrain au même endroit, mais les règles municipales de l'époque rendaient la transaction trop onéreuse. En 2015, la Ville est devenue propriétaire du lot convoité.

Lors des funérailles des victimes de l'attentat, le maire Labeaume a promis qu'un cimetière musulman serait créé. Il n'a pas tardé à offrir de vendre le terrain de Sainte-Foy à la CCIQ. Mais voilà, le groupe musulman avait déjà fait une offre d'achat sur un terrain moins cher à Saint-Apollinaire et voulait conclure la transaction.

On connaît la suite. Un référendum sur le zonage, auquel 36 personnes ont participé le 16 juillet dernier, s'est transformé en débat sur le droit d'une minorité religieuse à enterrer ses morts à sa manière.

Tout juste 19 voix ont réussi à faire avorter le projet. À travers le monde, la région de Québec, voire le Québec en entier, ont été écorchés.

Dans les médias anglophones, l'histoire des musulmans de Québec est devenue celle d'une minorité brimée par la majorité francophone d'héritage catholique. Et tout ça, exactement six mois après un geste de violence extrême sur fond d'intolérance religieuse. Ouch!

Le maire a eu besoin de trois petites semaines pour remédier à la situation. C'est tout le temps que ça aura pris pour que le conseil municipal et le conseil d'administration du CCIQ signent une entente après avoir établi un prix d'achat que la communauté religieuse peut se permettre, soit 270 000 $. Des radios de Québec dénoncent le prix trop bas, mais considérant les souffrances subies par la communauté musulmane de Sainte-Foy, il serait difficile de tancer la Ville de Québec si elle leur a fait une fleur.

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Si ce dénouement est louable, le vaudeville entourant la création d'un cimetière à Québec devrait être une leçon pour tous les élus de la province. Confier à un tout petit groupe de gens le soin de régler une question d'importance nationale est une très mauvaise idée.

Dans ce cas, autant les maires de la région que la communauté musulmane de Québec ont sous-estimé les forces s'opposant au projet de cimetière. Il reste beaucoup de travail de sensibilisation et d'éducation à faire à travers le Québec pour faire reculer la xénophobie et l'islamophobie.

Les élus ne doivent pas oublier non plus qu'en démocratie, ils ont la responsabilité d'être les remparts des minorités contre l'intransigeance - parfois inconsciente - de la majorité. Dans le dossier du cimetière musulman, Régis Labeaume a eu ce courage politique. La réalisation aura pris un peu plus de temps que prévu, mais les bons gestes ont été faits avant que le climat à Québec ne se dégrade davantage.

Bonnes vacances, M. Labeaume. Partez la tête tranquille. Tous vos citoyens - qu'importe leurs origines - peuvent maintenant reposer en paix.

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