Asbestos va changer de nom. Enfin.

Voilà un nom tout droit sorti d’une époque révolue. Un peu comme ces vieilles publicités qui mettaient en scène des médecins qui vantaient les mérites de la cigarette pour la santé…

Asbestos, c’est la traduction anglaise d’amiante, une substance cancérogène.

C’est aussi le principal responsable des cancers liés au travail de bien des pays occidentaux.

C’est même la première cause de mortalité des travailleurs au Québec, imaginez !

Et pourtant, c’est encore aujourd’hui le nom d’une ville de 7000 âmes située en plein cœur du Québec.

Il est plus que temps qu’on relègue aux oubliettes ce nom douteux qui avait fait rire le continent en 2011, alors que Jon Stewart et ses collègues du Daily Show avaient débarqué dans la région pour se moquer de cette ville au nom surréaliste…

Bien sûr, le changement de nom n’est qu’un symbole, mais disons-le, c’est un symbole fort : le Québec termine ainsi son virage post-amiante. Il tourne enfin le dos à cette substance nocive, complètement.

Mieux encore, le Québec fait de la sortie de l’amiante l’exemple parfait d’une transition réussie comme on cherche à le faire pour le climat.

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Rendons à César ce qui lui revient : c’est au gouvernement Marois qu’on doit la fin de l’amiante au Québec.

Ça vaut d’autant plus la peine de le préciser que sur les questions environnementales, on se rappelle de l’éphémère gouvernement du Parti québécois (2012-2014) pour les mauvaises raisons : l’exploitation pétrolière d’Anticosti et la très polluante cimenterie à Port-Daniel.

Mais le changement de nom d’Asbestos nous rappelle que la sortie de l’amiante (et du nucléaire) figure aussi dans le bilan des 18 mois de Pauline Marois. Une décision fort courageuse en 2012 qui mettait fin à des années d’hypocrisie de la part du Québec, et du Canada qui marchait dans son sillon.

Il faut se rappeler qu’avant que le PQ prenne le pouvoir, la province faisait constamment la promotion de l’amiante. Il y avait même une politique officielle qui moussait l’utilisation de l’amiante, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale.

Jean Charest venait même d’accorder une garantie de prêt de 58 millions pour relancer la mine Jeffrey. Et ce, malgré l’avis des scientifiques. Malgré l’appel express de la plus respectée des revues scientifiques médicales au monde, The Lancet, qui avait demandé « au Québec de ne pas soutenir la relance de la mine ».

Elle enjoignait alors à la province de mettre fin à l’« exportation immorale de morts et de maladies liées à l’amiante chez des populations parmi les plus vulnérables du monde »…

C’est dire à quel point la décision du PQ était avisée à l’époque.

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Le désamiantage de l’économie du Québec a donc débuté en 2012. Et c’est aujourd’hui qu’on en voit les dividendes, alors que le BAPE a entamé cette semaine un « état des lieux » de la présence d’amiante dans la province.

D’une ville montrée du doigt à l’étranger, Asbestos est tranquillement devenue un modèle de ce qu’il faut faire, comme l’a raconté Ariane Krol dans La Presse ces derniers jours.

La région de l’amiante a en effet tourné le dos à la substance qui l’a fait prospérer si longtemps pour privilégier, maintenant, les écomatériaux et les matériaux biosourcés.

Preuve qu’il s’agit d’une réussite : on ne rigole plus à l’international en pensant à Asbestos, on la cite plutôt en exemple comme l’a fait à Paris le mois dernier la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse.

Et ce retournement, on le doit à la décision du PQ de remplacer la garantie de prêt d’une cinquantaine de millions pour la mine Jeffrey par une aide équivalente destinée à la diversification de l’économie de la région.

La décision n’avait rien de facile à l’époque, puisque le caucus de Mme Marois était fortement divisé et que les maires de la région ruaient dans les brancards. Ces derniers prédisaient même la fin de leur patelin.

Et aujourd’hui, ils applaudissent…

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Quand il regarde cette décision en rétrospective, l’ancien ministre des Affaires municipales de l’époque, Sylvain Gaudreault, se dit fier d’avoir fait partie du gouvernement qui a mis une croix sur l’amiante. Même s’il avait alors dû essuyer la colère des élus municipaux.

Mieux encore, celui qui se porte aujourd’hui candidat à la direction de son parti voit ce dossier comme une inspiration, alors qu’il est impératif de miser sur une transition à plus grande échelle vers une économie verte et propre.

« C’est là où on doit aller maintenant : vers une transition juste, dit-il. Et des décisions difficiles, comme celle sur l’amiante, il va y en avoir plein d’autres à prendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. »

Il cite l’exemple de GNL Québec, un projet de 14 milliards qu’on souhaite implanter dans sa circonscription, justement. Voilà à son avis le genre de projet qu’on devrait refuser au profit d’un virage vert, comme on a refusé la poursuite de l’exploitation de la mine Jeffrey à l’époque.

« L’amiante était là depuis des dizaines et des dizaines d’années, et on y a mis fin, observe-t-il. Or GNL, c’est plus simple, car c’est une opportunité présentée par une industrie dépassée à ne pas saisir. »

Tout le défi de la transition vers une économie sobre en carbone est là : avoir une vision suffisamment claire du chemin à prendre afin de pouvoir dire non à des projets nocifs, malgré les mérites économiques qu’on nous fait miroiter à court terme.

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