« Si la politique actuelle était viable, on le saurait ! »

En une seule phrase exprimée lors de son discours d'ouverture, François Legault a résumé tout le problème de la position sur l'immigration de son parti : elle s'appuie sur des perceptions, des à-peu-près et... le gros bon sens.

Si la politique du Québec en immigration était viable, on le saurait donc, a-t-il dit, sans jamais préciser comment on ferait pour le savoir.

C'est la même chose pour la fameuse « capacité d'accueil » du Québec. Lors de son discours, mercredi, M. Legault a déploré qu'on ouvre chaque année nos portes aux immigrants « sans égard à nos capacités d'intégration », qui sont manifestement excédées.

Ah bon ? À partir de combien d'arrivants en reçoit-on trop ? On ne sait pas. Le premier ministre ne le dit pas.

Il est simplement convaincu que le seuil traditionnel de 50 000, fixé au terme d'un long processus d'études et de consultation, eh bien, c'est trop.

Plutôt commode. Pas besoin d'étude, d'avis ou de rapport : on prend les résultats d'un sondage qui traduit les inquiétudes de la population, puis on ferme la porte au 40 001e qui demande à entrer. Sous prétexte que la population le demande.

Et pourtant, la majorité a beau être d'accord avec François Legault, la promesse a beau avoir été clairement formulée en campagne électorale, il y a quelque chose de troublant à laisser le Québec fixer sa politique d'accueil des immigrants en s'appuyant sur des appréhensions, forcément biaisées, puisque ce sont des perceptions.

Une étude récente menée par la filiale britannique d'Ipsos révèle ainsi que les Canadiens croient que la proportion d'immigrants au pays est largement supérieure à ce qu'elle est réellement. Et surprise : ils surestiment la proportion de musulmans et sous-estiment le nombre de chrétiens.

Voilà pourquoi le seuil d'accueil n'a jamais été fixé par référendum ! On lui préfère les calculs, les consultations d'experts et les projections démographiques. Comme celle de l'Institut de la statistique du Québec qui conclut, à partir d'un scénario prévoyant 50 000 immigrants par année, que « la perspective d'une décroissance de la population du Québec n'est plus envisagée » à l'horizon 2061.

Et malgré tout, le gouvernement s'apprête à diminuer le nombre d'arrivants, à aggraver la pénurie de main-d'oeuvre et à réduire la portion démographique du Québec au pays, avec une légèreté déconcertante, en s'appuyant sur cette fameuse notion arbitraire de « capacité d'accueil ».

Et ce, même si on a vu dans le passé que la capacité d'absorption du Québec est toute relative. Pensez aux Vietnamiens, ou plus récemment, aux Syriens. Des exemples qui donnent raison au sociologue François Héran. Le titulaire de la chaire Migrations et sociétés du Collège de France rappelle souvent que « l'idée qu'il y aurait une sorte de seuil, qu'il y aurait des capacités d'accueil et que celles-ci seraient mesurables, n'a aucun fondement scientifique ».

Oui, c'est vrai que le Québec a de la difficulté avec la francisation des nouveaux arrivants. Mais par quelle acrobatie sémantique est-on arrivé à se convaincre qu'ils n'apprennent pas le français parce qu'ils sont trop nombreux ? Et donc, qu'il suffit d'en « prendre moins pour en prendre soin » ?

Le rapport du Vérificateur général qu'on cite à tout bout de champ pour brandir l'« échec » de la francisation conclut pourtant que c'est un problème d'investissements, d'organisation et de volonté politique.

Autrement dit, la capacité d'accueil des nouveaux arrivants, essentiel au dynamisme du Québec, est à la hauteur des ressources qu'on y consacre.

Il suffirait donc d'augmenter les ressources consacrées aux immigrants pour en prendre soin...

François Legault a raison quand il souligne, dans son discours, qu'« on doit éviter de regarder de haut, avec mépris », les inquiétudes de la population québécoise. Mais faut-il pour autant en faire l'argument principal du législateur ?

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