Les conservateurs sont-ils climatosceptiques?

Ils affirment le contraire, bien sûr. Mais pourquoi, dans ce cas, tous leurs gestes et propos laissent-ils croire qu'ils doutent de l'existence du réchauffement planétaire, ou du moins, de l'urgence d'agir?

Pourquoi s'entêtent-ils à défendre une position sur le carbone qui ne s'appuie sur aucune logique, aucun principe, aucune valeur? Ce refus de toute tarification du carbone par les conservateurs n'a absolument rien de conservateur.

Habituellement, les élus de droite au pays sont favorables au marché et à ses mécanismes. Ils veulent moins d'État, comme on le sait, et préfèrent donc se fier à la dynamique de l'offre et de la demande. Ils aiment mieux la main invisible, bref, que l'ingérence du «gouvernemaman».

Ainsi, un gouvernement qui se réclame de la droite fiscale évitera de multiplier les mesures et les programmes interventionnistes. S'il est confronté à un problème, il trouvera plutôt la source et lui fixera un prix pour en éliminer les effets.

Or le prix national sur le carbone imposé cette semaine par Justin Trudeau, eh bien, c'est précisément ça! C'est un mécanisme de marché qui vise à diminuer les gaz à effet de serre... tout en réduisant au minimum les effets indésirables de l'atteinte des cibles d'émissions du gouvernement.

Et pourtant, les conservateurs (du moins ceux que dirige Andrew Scheer) sont contre. Ils sont viscéralement contre ce qu'ils aiment appeler la «taxe sur le carbone».

Si c'était par principe ou par préférence pour une autre solution, on pourrait comprendre. On pourrait débattre. Mais non, ils sont juste contre, même si les tarifs payés retourneront en bonne partie dans les poches des Canadiens.

Contre, contre, contre, sans aucune solution de rechange ni mesure alternative. Contre au point de promettre un recul sur la tarification une fois au pouvoir, un engagement totalement irresponsable qui crée de l'incertitude autour d'une mesure qui vise justement de la certitude à long terme, afin que les entreprises planifient en conséquence.

Il est tout de même aberrant qu'encore en 2018, alors que les changements climatiques se font sentir, il soit toujours possible de polluer gratuitement. Il est absurde qu'on continue de traiter l'atmosphère comme un gigantesque dépotoir ouvert à tous ceux qui y envoient leurs déchets gazeux, sans frais ni permis.

Pas étonnant qu'il y ait aujourd'hui une trop grande concentration de pollution, avec l'impact que l'on sait sur la planète.

D'où la question : les conservateurs croient-ils réellement, comme l'écrasante majorité des scientifiques et des Canadiens, que les changements climatiques sont en cours et causés par l'homme? Si c'est le cas, les conservateurs moraux qu'ils sont ont le devoir de nous dire comment ils entendent «conserver la nature», pour reprendre les mots de leur ancien chef Brian Mulroney. Ils ont le devoir, plus concrètement, de préciser comment ils comptent réduire les émissions carboniques si ce n'est en leur imposant un prix, certainement la mesure la plus efficace... et de droite qui existe.

Pas pour rien que Preston Manning, qui a été l'architecte de la droite conservatrice au Canada, «soutient de tout coeur» la tarification du carbone. Comme le très à droite Fraser Institute d'ailleurs.

Le message de l'ancien chef du Reform aux troupes de Scheer est on ne peut plus clair : «cessez de vous opposer à la tarification du carbone!» Car LA solution aux défis environnementaux consiste justement, pour des élus à la fibre conservatrice, à intégrer aux produits qui posent problème le prix des mesures visant à atténuer leurs impacts négatifs. C'est ce qu'il appelle le «capitalisme vert».

Pas compliqué : le refus bête et catégorique d'Andrew Scheer le place ainsi dans le même bateau que Maxime Bernier, selon qui «le CO2 n'est PAS de la pollution». «C'est ce qui sort de votre bouche quand vous respirez et ce qui nourrit les plantes», a-t-il écrit hier sur Twitter.

Les positions de tous ces tenants de la droite ont beau être différentes en façade, elles s'appuient sur la même partisanerie, le même populisme... et le même refus de faire confiance à la science.

On se croirait d'ailleurs de retour à la noirceur des années Harper, alors que le Parti conservateur au grand complet avait intégré l'entêtement rétrograde de son chef sur les questions environnementales. On se croirait revenir à la bataille démagogique menée il y a quelques années contre Stéphane Dion et sa «taxe sur tout», une croisade rudement efficace qui aura fait perdre au Canada de précieuses années dans la lutte contre le dérèglement climatique.

Lorsqu'il a été élu à la tête du Parti conservateur, on disait d'Andrew Scheer qu'il était un « Stephen Harper avec un sourire ». On ne croyait pas si bien dire.

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