C'est fait. La « Loi modifiant la Loi concernant la succession de l'honorable Trefflé Berthiaume et de la Compagnie de Publication de La Presse, Limitée » est adoptée. Enfin...

Quel chemin tortueux il a fallu suivre pour revoir la structure d'une entreprise qui a droit, venons-en à l'évidence, à un peu trop d'égard parlementaire !

Le projet de loi 400 visait simplement à transformer un journal pour qu'il puisse mieux affronter les Facebook de ce monde, mais à lire et entendre les détracteurs de La Presse, on aurait cru que les élus avaient à se prononcer sur le sort d'une société d'État en difficulté dont il fallait choisir jusqu'à la couleur des murs...

Or, revenons à l'essentiel. La loi concernant la succession de l'honorable Trefflé Berthiaume votée en 1967, qui faisait suite à des disputes familiales remontant 100 ans en arrière, visait en gros à s'assurer que La Presse demeure une propriété québécoise. Et donc, lorsque Power Corporation a signifié son intention de se départir du journal, les députés ont eu à... s'assurer que La Presse demeurait une propriété québécoise. Rien de plus.

Dans un monde normal, cela n'aurait été qu'une formalité puisqu'il n'est absolument pas question de vendre La Presse à des intérêts étrangers, mais plutôt de l'enraciner encore davantage au Québec en en faisant la propriété d'une fiducie à but non lucratif bien de chez nous.

Mais le monde polarisé et hyper partisan dans lequel nous évoluons a transformé une particularité historique en un prétexte pour faire le procès du journal.

Contrairement à ce que plusieurs d'entre eux ont fait ces dernières semaines, les parlementaires n'avaient pas à se prononcer sur la pertinence du nouveau modèle d'affaires d'une entreprise de presse.

Ils n'avaient pas à juger son plan stratégique, son virage technologique ou ses principes éditoriaux.

Et pourtant, plusieurs d'entre eux ont franchi allègrement cette ligne, pulvérisant au passage l'indépendance censée exister entre médias et politique. Imposant des conditions à leur appui qu'ils n'auraient jamais exigées d'une entreprise de presse en temps normal. Proposant des amendements qui n'étaient qu'ingérence dans la gouvernance. Et salissant un quotidien et des centaines de journalistes intègres pour des raisons bassement partisanes.

Pourtant, dans ce dossier, La Presse faisait front commun avec ses syndicats, avec les deux grandes centrales syndicales, la CSN et la FTQ, et avec la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Tous ont rappelé que l'abrogation demandée ne pouvait être un prétexte pour s'ingérer dans le fonctionnement et la gouvernance d'une salle de nouvelles.

Comprenons-nous bien : les députés avaient non seulement le droit, ils avaient la légitimité de poser les questions qui s'imposent. Et le devoir de La Presse était de répondre à toutes les interrogations, ce qu'elle a fait tout au long du processus.

De la présentation à l'adoption, en passant par la commission parlementaire, il s'est écoulé plus de deux semaines et environ dix heures de rencontres et d'étapes parlementaires intensives. Dix heures pendant lesquelles La Presse a donné des réponses à toutes les questions.

En fait, il y a eu tellement de temps consacré à éplucher ce projet de loi d'à peine deux articles que notre concurrent nous accusait hier d'avoir « monopolisé le Parlement »...

C'est le comble ! La Presse s'est simplement pliée de bonne grâce aux procédures parlementaires, à la demande des élus. Et cela a dû être bien reçu puisqu'après toutes ces heures passées à étudier le projet de loi 400, le gouvernement a obtenu hier le consentement de TOUS les partis pour le soumettre au vote.

Oui, il a dû y avoir bâillon. C'est dommage. Mais ce n'est pas en raison des questions laissées en suspens, c'est simplement qu'une députée sur 125 voulait empêcher les députés de voter. Et ce, même si aucun intervenant en commission parlementaire ne s'était opposé à l'abrogation d'une disposition de la loi de 1967. Pas même le propriétaire de Québecor, ancien chef d'un parti qui s'est d'ailleurs surpassé dans l'ingérence, les coups bas et les allusions insidieuses.

C'est donc au blocage d'une élue isolée qu'on doit la levée des procédures, laquelle a été suivie hier soir par un vote des parlementaires auquel il fallait bien se résoudre à un moment donné. Un vote qui a obtenu l'appui de trois partis, le PLQ, la CAQ et QS, qui ont eu le courage de défendre des principes plutôt que de profiter de la situation pour se faire du capital politique.

La bonne nouvelle, c'est que la loi est maintenant adoptée et que La Presse pourra aller de l'avant avec son changement de structure. Elle passera ainsi des mains de Power Corporation à celles d'une fiducie d'utilité sociale ayant un seul et unique but : assurer la pérennité d'une salle de rédaction intègre et professionnelle.

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