Les grands partis ont profité des derniers jours pour mettre cartes sur table en matière d'immigration. Pas de surprise du côté de la CAQ, qui a encore une fois abordé l'enjeu comme s'il s'agissait essentiellement d'un problème. Pas de surprise non plus du côté du PLQ, qui en a plutôt fait une solution à la pénurie de main-d'oeuvre, au moment où le besoin se fait sentir.

Mais entre les deux, le PQ a réussi à se démarquer en optant pour une approche à la fois pragmatique et humaniste qui le ramène à ses racines d'avant la charte des valeurs.

Est-ce une façon de tourner définitivement la page de ce triste chapitre de la vie politique québécoise ? Peut-être pas de manière délibérée, puisqu'il reste dans les positions officielles du parti quelques rares relents de cette crispation identitaire, le plus évident étant cette volonté d'interdire le voile chez les éducatrices en garderies.

Mais soyons honnêtes, si l'on fait abstraction de ce qui éloigne un peu le PQ du compromis Bouchard-Taylor, les propositions en immigration déposées ces derniers jours couronnent une réorientation salutaire du parti amorcée l'an dernier.

Il y a d'abord eu les 20 propositions en matière d'intégration à l'emploi et de lutte contre la discrimination, mises de l'avant en février 2017. Le PQ évitait ainsi de tomber dans les travers de la CAQ, qui fait souvent reposer tout le fardeau de l'intégration sur le dos des nouveaux arrivants.

Il y a ensuite eu la demande faite par Jean-François Lisée de lever l'entente sur les tiers pays sûrs dans le but de résorber le flux de migrants irréguliers à la frontière. Si on exclut sa malheureuse phrase sur l'érection d'une « clôture », un effet de toge comme il les apprécie un peu trop, on réalise que le chef du PQ était le premier à faire une telle demande, en accord avec les positions d'Amnistie internationale et d'autres groupes humanitaires.

Et, enfin, il y a eu ces propositions en immigration dévoilées mardi dernier, qui bouclent de belle manière cette réorientation. Des propositions qui évitent soigneusement de jouer sur les peurs et les anxiétés, qui ne tombent pas dans les réflexions arbitraires sur le nombre d'immigrants, et surtout, qui se tiennent loin du « débat absurde » (comme le qualifie le PQ) sur le test des valeurs et les menaces d'expulsion.

Preuve de la montée en influence des éléments les plus pluralistes du PQ (Hivon, Gaudreault, Lamarre, Fournier, etc.), on mise ainsi sur un nationalisme d'ouverture, non pas de ressentiment.

On profite des immenses pouvoirs que possède le Québec en immigration, plutôt que d'en demander plus ou de faire reposer ses engagements sur les compétences du fédéral. Et, tranquillement, on fait même oublier les errements passés de Jean-François Lisée (sur la charte, les AK-47 sous les burqas, les références à Adil Charkaoui, etc.)...

En gros, le PQ nouvelle mouture, plus près de Jacques Couture et de Gérald Godin que de Bernard Drainville, mise sur des propositions constructives qui visent à éliminer les obstacles à l'intégration et à mieux sélectionner les immigrants. Ajoutons à cela la volonté de mieux répartir les nouveaux arrivants en région en révisant la grille de sélection, avec une cible ambitieuse en tête : que le quart d'entre eux s'installent hors du Grand Montréal.

Rien de gagné ni de facile là-dedans, mais c'est nécessaire. D'abord parce que 87 % des immigrants s'installent à Montréal, un taux plus élevé qu'à Toronto (70 %) et Vancouver (76 %). Ensuite parce que l'inquiétude populaire envers l'immigration est plus grande là où on ne la fréquente pas.

Quand on voit des groupes comme Atalante et La Meute prendre d'assaut la place publique, le premier en intimidant physiquement des journalistes, le second en manifestant et en instrumentalisant des causes communautaires, on voit la nécessité pour les élus d'aborder les sujets d'immigration et d'identité avec beaucoup de prudence.

Il faut bien sûr en discuter et en débattre, ces enjeux étant fondamentaux. Mais le Parti québécois de la dernière année prouve que cela peut se faire sans jeter d'huile sur un feu... qu'il a attisé dans le passé.

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LES 4 PRIORITÉS DU PQ

Emplois :  Répondre directement aux pénuries d'emplois en choisissant, parmi les candidats à l'immigration, ceux qui peuvent immédiatement combler les besoins, là où ils se situent, notamment en région, et correctement évaluer leurs diplômes et leurs acquis. Notre objectif : faire en sorte que 25 % des nouveaux arrivants s'installent en région dans un premier mandat. 

Francisation :  S'assurer que les candidats disposent, avant d'arriver, d'une connaissance suffisante du français pour s'intégrer immédiatement dans leur emploi, leur quartier, leur société d'accueil.

Valeurs :  Bien vérifier, au point d'entrée, que les valeurs des candidats sont compatibles avec les valeurs et les lois québécoises et renforcer cette connaissance par la suite.

Outils :  Ne compter que sur les outils actuellement disponibles pour le gouvernement du Québec pour ne rien proposer qui suppose l'accord d'Ottawa.

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