La Caisse de dépôt a enfin divulgué, lundi, les ententes qui la lient au gouvernement. Il y a là du bon et du moins bon. Il y a des éléments qui font sourciller, mais il y a aussi, et surtout, matière à rassurer ceux qui s'inquiètent des manchettes négatives sur le REM. Tour d'horizon de quelques mythes colportés par les détracteurs du train de la Caisse... mais aussi, par ses partisans.

1) Le REM va coûter 11 milliards

Le titre qui a circulé ces dernières semaines était trompeur. Le coût du REM n'a pas changé : 6,3 milliards, partagé presque moitié-moitié entre la Caisse et les gouvernements. Pourquoi donc évoquer 11 milliards? Parce qu'on fait un simple calcul en additionnant toutes les sommes que l'Autorité régionale de transport métropolitain versera au REM pour son fonctionnement d'ici... 2041! Des sommes qui seront transférées seulement si l'achalandage est au rendez-vous. La somme est-elle exorbitante? Pas si on compare avec les trains de banlieue. Le même calcul nous amène à 13,5 milliards.

2) La Caisse va vendre le REM dans cinq ans

On comprend la méfiance. Il est bel et bien écrit dans l'entente dévoilée lundi que la Caisse doit exploiter le REM pendant au moins cinq ans. Après quoi, elle peut vendre. Mais soyons honnêtes : elle n'aurait aucun intérêt à le faire. Le virage infrastructures de la Caisse ne vise pas à devenir maître d'oeuvre de grands projets, mais plutôt à les exploiter pour s'assurer de rendements stables à long terme. C'est pour ça qu'elle fait le REM et qu'elle est impliquée dans l'exploitation de TGV en Europe. Pour ça, aussi, qu'elle a précisé lundi qu'«aucun scénario de vente n'est considéré».

3) Le REM va être une valeur ajoutée pour toute la région

Faux. Il y aura des gagnants, des gens pour qui ça ne changera pas grand-chose, mais il y aura aussi des perdants. S'il est assez facile de voir quels navetteurs profiteront de ce nouveau train rapide et fréquent qui passera toutes les trois minutes sur des voies réservées, il faut reconnaître que d'autres y perdront au change. Les usagers du Train de l'Est, par exemple, qui se verront imposer un transfert. Ou encore les navetteurs de Chambly, pour la même raison. On attend les prévisions de temps pour y voir clair.

4) Le REM va imposer des tarifs prohibitifs

C'est une crainte exprimée par bien des usagers, mais aussi par certains maires de la banlieue. Or la Caisse a beau être l'actionnaire majoritaire du REM, ce n'est pas elle qui décidera des tarifs de son service. L'entente est claire : «l'Autorité régionale de transport métropolitain a pleine autonomie pour établir le prix à être payé par chaque usager». L'ARTM, qui a pour mandat d'intégrer les modes de transport de la région, pourra décider si elle impose le même tarif que pour le métro, si elle applique des zones tarifaires comme pour le train de banlieue ou si elle fixe un prix spécial pour l'aéroport. Seule chose, la Caisse décidera si elle facture l'entrée dans ses stationnements incitatifs.

5) On favorise indûment le REM en forçant les bus à s'y rendre

L'entente dévoilée lundi prévoit des «clauses de rabattement» qui visent à orienter les circuits d'autobus vers les gares du REM. Pas sorcier : c'est ce qu'on a toujours fait dans la région. Quand la station Longueuil a été inaugurée en 1967, les autobus de Longueuil ont cessé de rouler sur le pont Jacques-Cartier. Quand le métro s'est rendu à Laval, les circuits de bus ont cessé de se rendre à Henri-Bourassa. On amène simplement les usagers vers le mode de transport le plus performant. Rien pour écrire à son maire.

6) Le REM a absolument besoin d'empêcher la concurrence

En plus du rabattement, l'entente contient des «clauses de non-concurrence». L'idée est d'empêcher l'ARTM d'exploiter des services qui nuiraient au REM, comme la ligne 747 entre l'aéroport et le centre-ville. Or pourquoi introduire pour la première fois la notion de monopole dans le transport public au Québec? L'ARTM n'a de toute façon aucune raison de dépenser de l'argent pour concurrencer inutilement le REM avec des bus. On écrit donc une évidence dans l'entente, mais du coup, on impose la notion de contrainte et, par le fait même, de méfiance entre les exploitants. Simplement pour les forcer à faire ce qu'ils feraient de toute façon. Un malheureux précédent.

7) On aurait dû maintenir la voie réservée sur le futur pont Champlain

Pour ceux qui n'ont jamais emprunté le pont Champlain en bus, il peut sembler curieux de remplacer une voie réservée transportant plus de 22 000 passagers le matin (autant que la ligne jaune) par un train qui imposera un transfert à certains usagers. Or il faut avoir poireauté sur le pont un jour de grand vent quand on est incapable d'ouvrir la voie réservée ou avoir attendu dans la file de plus d'un kilomètre qui mène au terminus centre-ville pour comprendre la nécessité d'un moyen de transport à l'abri des intempéries, qui entre directement à la gare. Boni : les gens de Griffintown ne seront plus importunés par les centaines de bus qui traversent aujourd'hui le quartier.

8) Le REM deviendra une «machine à siphonner de l'argent»

Si l'on en croit le Parti québécois, le REM profitera de bien des avantages qui le rendront «artificiellement rentable», afin de «le transformer en machine à siphonner de l'argent». Or dans ce projet, c'est la Caisse qui assume le plus gros du risque. Étant maître d'oeuvre du projet, elle prend les risques de construction, d'exploitation et surtout, d'achalandage. Elle sera en effet financée par tête de pipe : pas d'usagers, pas de revenus. Elle ne touchera même pas de «paiement de disponibilité», comme les responsables des péages des autoroutes 25 et 30. Et si, au contraire, le REM était archi populaire, tout rendement supérieur à 8% sera partagé avec les gouvernements.

9) Les ententes nous lient pour les 99 prochaines années

C'est vrai... mais des nuances s'imposent, car entre aujourd'hui et l'année 2117 (!), bien des choses peuvent se produire, selon l'entente. D'abord, il y a une obligation de révision tous les cinq ans, à compter de 2025, afin de la modifier «pour tenir compte des changements technologiques, démographiques et administratifs». Et ensuite, le gouvernement a le droit de racheter tout le REM, unilatéralement, à sa «juste valeur marchande», lors de son 50e anniversaire.

10) L'antenne Sainte-Anne-de-Bellevue était essentielle

Bien difficile de soutenir cette thèse de manière catégorique... tout comme il est impossible de prouver le contraire. L'antenne la plus à l'ouest n'est-elle qu'une commande politique, comme l'affirme l'opposition? Ou au contraire, cette station en bordure de l'autoroute 40 Ouest servira-t-elle à rabattre les bus de l'Ouest-de-l'Île au point d'en faire une antenne populaire? Les paris sont ouverts sur cette antenne qui, pour l'instant, apparaît plus risquée qu'essentielle.

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