C'est bien sûr la victoire d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen. Mais c'est surtout la défaite de l'alternance gauche-droite, des grands partis, de leurs primaires, de leurs candidats... de l'ordre établi, bref.

Selon les chiffres qui circulaient hier soir, Macron et Le Pen ont le mérite de s'être hissés au-delà des 20%. Les leaders d'En Marche! et du Front national ont su, mieux que les autres, répondre au désir de changement des Français.

Mais s'en tenir aux deux vainqueurs, ce serait passer à côté d'un phénomène que révèlent les résultats : un rejet du Parti socialiste et, dans une moindre mesure, des Républicains qui, ensemble, n'ont pu faire mieux que 26%.

En 2012, à titre comparatif, les partis qui rythment la vie française depuis 30 ans ont récolté 56% des suffrages. L'effondrement est brutal.

Certes, on pourrait expliquer ce faible score par des raisons partisanes. Surtout en analysant le score abyssal de Benoît Hamon, qui n'a jamais su s'imposer, souffrant à la fois d'un déficit charismatique et d'une incapacité à concilier les différents clans du Parti socialiste. À 6%, il encaisse le pire score du PS depuis sa refondation il y a 40 ans.

Mais il ne faut pas prendre à la légère le fait que François Fillon ait eu tant de difficulté à finir troisième. Il aurait pu faire pire à 20%, sa campagne ayant été minée par plein de scandales, mais le représentant de la droite a tout de même obtenu 8 % de moins qu'en 2012, en plus d'être passé à un cheveu de terminer ex aequo avec le candidat de l'extrême gauche.

D'ailleurs, la poussée impressionnante de Jean-Luc Mélenchon, qui est passé de 11% en 2012 à 19%, laisse ainsi croire que ce n'est pas tant la mauvaise performance des grands représentants de la droite et de la gauche qui les a coulés... que le fait d'être les grands représentants de la droite et de la gauche.

Plus des deux tiers des Français ont choisi des candidats qui ne sont pas des figures traditionnelles du «système». Ce système défié avec force aux États-Unis, en Grande-Bretagne et, maintenant, en France.

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La première étape passée, l'establishment éliminé, espérons maintenant que les électeurs rejetteront avec autant de volonté le Front national au second tour...

Ce qu'il y avait de frappant en écoutant les différents commentaires à chaud, hier soir, c'est qu'il était pratiquement banal que Marine Le Pen soit du duel final. Comme si l'appui d'un cinquième des électeurs allait de soi pour l'extrême droite.

Or, les populistes ont beau avoir le vent dans les voiles un peu partout sur la planète, il ne faut pas normaliser leur discours pour autant. Un discours de rejet et de repli qui, dans le cas de Le Pen, s'appuie sur «la préférence nationale» et la fermeture des frontières.

Il y avait en ce sens deux bonnes nouvelles, hier soir, l'une faisant heureusement suite à l'autre.

D'abord, la présence au deuxième tour d'un candidat ayant la capacité de rassembler, Emmanuel Macron. En plus d'incarner un certain renouveau, le candidat progressiste s'appuie sur un programme pragmatique, libéral et social qui peut plaire des deux côtés de la clôture.

Ensuite, le fait qu'une bonne partie de la classe française n'ait pas tardé à faire bloc derrière Macron, après le dévoilement des résultats préliminaires. Et ce, tant à gauche (Benoît Hamon, Cécile Duflot, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve) qu'à droite (François Fillon, Alain Juppé, Xavier Bertrand, Jean-Pierre Raffarin).

Les Français ont choisi hier ceux qui défiaient le système. Souhaitons qu'ils opteront, dans deux semaines, pour celui qui veut le refonder plutôt que pour celle qui compte y mettre le feu.

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