On en sait peu sur la future Banque de l'infrastructure du Canada... mais on en sait assez pour souhaiter qu'elle s'installe ici même, à Montréal.

Le ministre Bill Morneau a récemment confirmé son intention de créer une institution ayant pour mandat de financer de grands projets d'infrastructures d'un océan à l'autre. Institution dont l'importance sera à la hauteur de son actif : une somme de 35 milliards sur 10 ans, appelée à quadrupler au gré des investissements privés.

La mécanique et les modalités seront dévoilées le printemps prochain, mais déjà, Ottawa travaille en coulisses pour que la banque soit prête à opérer dès l'an prochain.

Et parallèlement, en coulisses aussi, d'importants acteurs de Montréal inc. s'activent depuis quelques jours pour convaincre le gouvernement Trudeau d'implanter la Banque de l'infrastructure dans la métropole.

Disons-le, c'est une excellente idée... pour laquelle il existe d'excellents arguments.

À commencer par le fait que l'inspiration même de cette banque est montréalaise : c'est la Caisse de dépôt et placement du Québec et le modèle d'affaires du futur Réseau électrique métropolitain. En soi, cela constitue une justification suffisante. Mais il y a plus.

L'idée de créer une telle banque provient d'un besoin largement répandu au sein des investisseurs institutionnels, fonds de retraite, régimes de pension, etc. Partout dans le monde, ces derniers cherchent à remplacer les obligations traditionnelles, peu rentables, par d'autres catégories d'actifs peu risqués, qui génèrent un rendement intéressant.

C'est là que les infrastructures d'envergure entrent en jeu. Infrastructures pour lesquelles, convenons-en, le Québec a développé une solide expertise.

Il y a la présence de toutes ces grandes firmes de génie, qui rend la province incontournable dans le contexte canadien. Il y a la multiplication des énormes projets d'infrastructures, comme Turcot, Bonaventure et Champlain. Il y a le ménage fait dans l'industrie de la construction grâce à la commission Charbonneau. Il y a le nombre de projets menés en PPP, du CUSM au CHUM en passant par l'autoroute 25.

Et il y a, plus que tout, l'avance prise par la Caisse de dépôt avec ses investissements à l'étranger et son réseau de train électrique, bien entamé avec le choix récent des consortiums. Si Michael Sabia a siégé au Conseil consultatif en matière de croissance économique du fédéral, s'il a été invité à expliquer son approche à la Maison-Blanche, c'est à la fois parce que la Caisse est pionnière en la matière et parce que les investisseurs institutionnels lorgnent ce marché en essor.

Il y a donc là une pertinence supplémentaire à l'implantation de la banque à Montréal, surtout quand on sait que l'un de ses mandats sera d'aider à structurer les transactions, négocier les détails des contrats en PPP, arrimer les besoins du public et des investisseurs.

Autant d'opérations d'une complexité inouïe pour laquelle il existe très peu d'expertise, tant au Canada qu'aux États-Unis. La proximité de la Caisse et de ses experts peut donc être un atout pour le lancement de cette future banque.

Il faudra voir les détails et le mandat de cette future institution financière avant de se prononcer clairement sur son rôle et son potentiel. Il faudra aussi voir quelle implication on réserve aux investisseurs, quel contrôle des infrastructures on laisse aux gouvernements, quelles sont les implications tarifaires pour les citoyens.

Mais déjà, quand on sait l'état de congestion des grandes villes, quand on connaît les besoins d'expansion des ports et aéroports et quand on mesure les limites financières des gouvernements, on comprend la pertinence de trouver des façons différentes d'investir dans les infrastructures, ici comme ailleurs. Des façons plus souples, qui permettent une incursion du privé sans chasser le public ni le déposséder de ses actifs stratégiques.

Une occasion à saisir pour le Canada, qui se présente comme un havre de stabilité dans un contexte d'instabilités, de Brexit et d'élection de Donald Trump. Une occasion à saisir pour Montréal, qui mérite d'accueillir cette future banque. Une occasion à saisir aussi pour le gouvernement Trudeau, qui a montré peu de sensibilité pour le Québec jusqu'ici...

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