Et soudainement, le doute...

Si les enquêteurs du SPVM et de la SQ espionnent les journalistes avec autant de désinvolture, jusqu'où sont-ils prêts à abuser de leurs pouvoirs ? Iraient-ils jusqu'à traquer les téléphones des élus, des ministres ? Et oseraient-ils les écouter ?

Si les policiers piétinent aussi facilement la liberté de la presse, quels autres principes fondamentaux sont-ils prêts à défier pour récolter ce qu'ils cherchent ? Quels garde-fous abattraient-ils pour protéger leur organisation, pour se protéger entre eux ?

Si les corps de police ont des liens aussi fréquents avec maires et ministres, quel est le niveau réel d'étanchéité entre la sphère politique et les forces policières ? Y a-t-il copinage, échanges ou pressions de l'État sur le policier, et vice-versa ?

Ces questions, seuls les plus désabusés se les posaient il y a quelques jours encore. Elles faisaient partie de vagues théories du complot ou d'hypothèses formulées par les plus désillusionnés du métier.

Or elles font aujourd'hui partie du débat public, largement. Elles font l'objet de discussions courantes. Et elles prouvent, par leur seule existence, à quel point les révélations des derniers jours peuvent miner la confiance de la population envers les forces de l'ordre.

Mais par-dessus tout, ces questions montrent que le débat enclenché par l'affaire Lagacé ne porte plus sur le travail des journalistes, mais bien sur celui des policiers.

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Voilà le sujet qui doit se trouver au coeur du mandat de la commission d'enquête instituée hier par le gouvernement. Un mandat qui doit être suffisamment précis pour ne pas étirer indûment les travaux, certes, mais suffisamment large pour qu'on ait une réponse à la plupart des questions soulevées par les récentes révélations.

La tentation peut être grande au sein du gouvernement Couillard de restreindre le mandat des commissaires à la protection du travail journalistique, au recours aux sources, à la relation qu'entretiennent policiers et médias.

Mais les plus récentes manchettes sur la SQ, sur l'implication de l'ancien ministre Stéphane Bergeron, sur la durée de la surveillance d'Alain Gravel, sur l'espionnage d'un deuxième journaliste par le SPVM exigent qu'on élargisse la portée du mandat.

La traque des sources est un grave problème, mais ce n'est manifestement qu'un symptôme d'un mal plus profond.

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La police est une institution trop importante pour que les faits dévoilés ces derniers jours fassent l'objet d'innombrables petites enquêtes, sans reddition de comptes, sans transparence... parallèlement à une commission qui se concentre uniquement sur le travail des journalistes.

Les manchettes quotidiennes sont trop préoccupantes, trop scandaleuses. Elles laissent croire que les policiers profitent des pouvoirs qui leur sont confiés pour atteindre des fins hautement douteuses ! Elles laissent à penser qu'ils détournent les outils à leur disposition pour protéger non pas la population, mais leur propre organisation !

Les commissaires doivent avoir la liberté de soulever toutes ces pierres.

Ils doivent pouvoir examiner l'étendue des enquêtes policières dont il a été question ces derniers jours, leurs justifications et leurs implications. Ils doivent analyser la suffisance des lois qui encadrent les policiers, le lancement des mandats et le recours aux juges de paix. Ils doivent se pencher sur les liens de proximité qui relient la police et le politique.

Et c'est dans ce cadre que la commission doit s'attarder au travail des policiers en lien avec les journalistes, leurs sources, leur matériel et leurs outils de travail. Elle doit, autrement dit, clarifier les relations qu'entretiennent les policiers avec les médias et avec le pouvoir.

La confiance des journalistes est ébranlée, celle de la population aussi. La commission d'enquête est l'occasion de répondre aux préoccupations de tous.

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