Quelle mouche a piqué Bernard Drainville? Dans une sortie d'une rare virulence, le ministre a déclaré lundi que le député libéral Emmanuel Dubourg se couvrait de honte en empochant son indemnité de départ. Une indemnité à laquelle il a pourtant droit, toujours légale, et dont ont largement profité les députés péquistes...

Vrai que le contexte politique a changé ces dernières années. Vrai aussi que la conduite morale des élus doit suivre des normes plus élevées dans la foulée des travaux de la commission Charbonneau.

Mais s'il est évident que certaines habitudes touchant les conflits d'intérêts ou le financement électoral n'ont plus leur place en politique, on peut se demander quand, au juste, il est devenu «gênant» d'encaisser l'allocation de départ promise aux députés?

Au cabinet du ministre responsable des Institutions démocratiques, on répond qu'un mandat électif est «un contrat moral» qu'il importe de respecter, sans quoi cette indemnité n'a plus lieu d'être. Soit. Mais dans ce cas, pourquoi ce «contrat moral» doit-il être davantage honoré aujourd'hui qu'en 2006, par exemple, lorsque Pauline Marois a touché plus de 100 000$ en démissionnant en cours de mandat?

Quand, précisément, les Québécois sont-ils devenus «ben tannés de voir des députés qui ne respectent pas leur parole et qui partent avec une récompense», pour reprendre les mots du ministre? Lorsque les démissions se sont faites plus nombreuses dans le camp adverse?

Oui, bien sûr, le ministre a déposé le projet de loi 33 plus tôt cette année afin d'«abolir l'allocation de transition à un député qui démissionne en cours de mandat». L'objectif est opportun, mais le document n'est pas adopté. D'abord parce que les libéraux en contestent les modalités, ensuite parce que M. Drainville n'en a pas fait une priorité, déposant la chose en mars, faisant de ce document son quatrième et dernier projet de loi de la session passée.

Difficile dans pareil contexte de faire la leçon à M. Dubourg sans la faire, par le fait même, à tous les députés qui ont quitté en cours de mandat ces dernières années... y compris les anciens chefs du Parti québécois et l'actuelle whip, Nicole Léger, qui a profité d'une prime avant de se relancer en politique... l'année suivante.

Comme le sait le ministre Drainville, les conditions de rémunération des députés provinciaux n'ont rien de bien extravagant (mis à part leur régime de retraite). Ils touchent près de la moitié du salaire de leurs homologues fédéraux (88 000$ contre 160 000$), en plus de travailler, souvent, de plus longues heures.

Ceux qui ont accepté de se lancer en politique l'ont fait en sachant qu'une telle allocation de départ existait et compensait ces conditions, en plus de les aider à réintégrer le marché du travail, une tâche souvent difficile après la vie partisane.

Le fait que M. Dubourg quitte en début de mandat, au moment où il peut toucher sa pleine allocation, et ce, pour tenter sa chance à Ottawa n'a rien d'élégant. Mais puisqu'il n'existe aucune loi détaillant les options possibles et acceptables de transition, on ne peut exiger qu'il renonce à son allocation.

En juin dernier, les députés ont donné leur accord pour qu'un comité indépendant revoie les paramètres de leur rémunération. C'est une bonne nouvelle. Mais en attendant, difficile d'accabler un homme d'injures simplement parce qu'il suit les règles du jeu.

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