Les enfants marchent de moins en moins pour se rendre à l'école, pour toutes sortes de bonnes et de moins bonnes raisons. La principale: l'insécurité ressentie par les parents, qui préfèrent reconduire leur progéniture en auto.

Les statistiques, pourtant, n'ont rien d'alarmant. Bon an, mal an, au Québec, 86 enfants sont happés en marchant vers l'école, 43 sont frappés à vélo. À l'inverse, ils sont 185 à subir un accident en se rendant à l'école... en voiture.

Évidemment, le nombre d'écoliers à pied est moindre qu'en auto. Et donc, le risque est proportionnellement plus grand pour un enfant qui marche, comme nous le rappelait mardi le collègue Pierre-André Normandin.

Mais ce risque est limité, que les parents se rassurent... À Montréal, on déplore un blessé pour chaque 325 000 km parcourus. Et dans l'écrasante majorité des cas, il s'agit d'un blessé léger.

L'insécurité est donc moins un problème, en soi, que le sentiment d'insécurité, qui subsiste et semble même augmenter malgré les campagnes de promotion du transport actif. On assiste ainsi, depuis dix ans, à une diminution du nombre d'enfants marchant vers l'école à Montréal, et à une hausse idoine des déplacements automobiles.

Cela est inquiétant. Le déplacement vers l'école représente en effet une rare fenêtre d'activité physique pour des enfants qui passent beaucoup d'heures à l'école et au service de garde sans bouger, sans grande liberté, sans possibilité de s'épivarder.

En éliminant cette occasion quotidienne de se délier les muscles, les parents participent donc, souvent à leur insu, aux problèmes de sédentarité et d'obésité de leurs enfants. Ils les empêchent de s'approprier leur quartier, de développer leur autonomie, de renforcer leur débrouillardise. Ils nuisent aussi à la vitalité de leur secteur résidentiel. Ils encouragent les municipalités à développer des quartiers sans trottoirs, ou à cesser de les déneiger en hiver.

D'où l'importance, pour les autorités, de prendre le sentiment d'insécurité des parents très au sérieux. Un sentiment qui, même s'il n'est pas fondé, a des conséquences concrètes sur les enfants et quartiers.

Certains acteurs ont décidé d'agir ces dernières années. Le gouvernement a pondu un guide pour «Redécouvrir le chemin de l'école». Vélo-Québec a appliqué son programme «Mon école à pied, à vélo» dans 375 établissements. Et certaines écoles aident les parents à mettre sur pied des circuits de marche dans les quartiers (pédibus).

Mais pour modifier les statistiques d'une façon suffisante et durable, il faut un peu plus que cela. Il faut des changements physiques, sur le terrain: des dos d'âne, des avancées de trottoir, des rétrécissements de rues, des dégagements aux intersections, des vitesses réduites, des feux de piétons. Des changements qui ne relèvent pas des parents, mais bien des villes et des arrondissements.

Heureusement, les arrondissements ont mis de l'avant d'encourageantes initiatives dernièrement. Mais cet apaisement de la circulation se limite encore trop souvent aux abords des écoles, alors que de nombreux accidents surviennent ailleurs dans le quartier.

Or pour redonner aux parents ce nécessaire sentiment de sécurité, il faut plus que des programmes et des projets ciblés. Il faut une véritable transformation de l'environnement physique des quartiers.

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