Les Américains ont poussé un énorme soupir de soulagement en jetant le linceul blanc à la mer. Ils se débarrassaient ainsi de l'homme le plus recherché au monde... mais certainement pas du mouvement qu'il personnifiait.

Certes, la mort d'Oussama ben Laden est un événement symbolique d'une grande importance qui permettra à bien du monde de souffler. Les proches des victimes du 11 septembre, qui pourront faire leur deuil. Les agences de renseignements américaines, qui traquaient le terroriste depuis 10 longues années. Et tous ces pays occidentaux, comme le Canada, qui étaient la cible de cet intégrisme mondialisé, pour une raison ou pour une autre.

Mais de la même manière qu'on n'élimine pas la mafia en supprimant son parrain, on ne fera pas disparaître la nébuleuse Al-Qaïda en exécutant son calife. Aussi dangereux soit-il.

Au contraire même. La peur change simplement de camp, comme l'a dit l'ancien ministre français François Bayrou.

La guerre au terrorisme n'étant pas une guerre menée contre un seul homme, il y a de forts risques, en effet, que cette victoire américaine exacerbe la haine, intensifie le fanatisme, se traduise par une série de ripostes sanglantes. D'autant qu'il y a aujourd'hui plus de combattants djihadistes, dans plus de pays, qu'en septembre 2001.

La mafia, pour reprendre l'analogie, a survécu à bien des crises de succession sans qu'elles se transforment en crise existentielle.

Il faut donc se réjouir, dans pareil contexte, que l'instigateur du 11 septembre ait été tué par une armée commandée par Barack Obama, non par son prédécesseur. Loin du «mission accomplie» extatique lancée à la face du monde en 2003 par George W. Bush, l'actuel président a eu la victoire modeste, évitant volontairement tout triomphalisme.

«Justice a été rendue», a-t-il simplement affirmé, sans jamais évoquer la fin de la guerre ni la disparition de l'armée adverse. Avec raison, car personne ne sait si l'opération américaine de dimanche marquera, dans les livres d'histoire, la fin d'une parenthèse, celle d'une époque sanglante, ou le début d'une période plus trouble encore.

«Le terroriste international le plus recherché au monde n'est plus, soulignait Interpol hier, mais cela ne signifie pas la fin des affiliés à Al-Qaïda.» Tout comme elle ne signe pas l'arrêt du terrorisme, des attentats, comme celui qui a fait 16 morts à Marrakech jeudi dernier, ou des prises d'otage, comme celle menée en septembre par Al-Qaïda au Maghreb Islamique.

Le combat contre le terrorisme se poursuit donc, mais sur de nouvelles bases qu'il faudra tranquillement cerner. Dans un nouveau contexte, aussi, que le printemps arabe est, en ce moment même, à façonner. La vigilance est toujours de mise.

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