Le procès de Michel Cadotte, qui a étouffé sa conjointe avec son oreiller, a braqué les projecteurs sur les difficultés auxquelles font face les proches aidants. Le tribunal a réglé le cas de l’homicide involontaire en envoyant le coupable en prison. Et le gouvernement, lui, que fera-t-il pour rendre justice à ceux qui s’épuisent pour leurs proches ?

Le 20 février 2017, n’en pouvant plus de voir Jocelyne Lizotte s’abîmer dans la maladie d’Alzheimer, son mari a mis fin à ses jours. Oui, c’est inacceptable. La juge Hélène Di Salvo n’avait pas le choix d’envoyer un message dissuasif.

Sa chronologie minutieuse des faits nous rappelle cependant à quel point l’accusé a été, jusqu’à ce midi fatidique, un proche aidant exemplaire. Non content de veiller au confort et au bien-être de sa femme durant de très nombreuses heures chaque jour, il est allé jusqu’à suivre un cours de préposé aux bénéficiaires pour mieux s’occuper d’elle. Ce n’est pas banal.

Le reste de son expérience, par contre, est tristement représentatif des obstacles auxquels se heurtent les Québécois qui cherchent à préserver la qualité de vie et la dignité de leurs proches en perte d’autonomie.

S’épuiser et, même, s’appauvrir pour garder la personne aimée à la maison.

Michel Cadotte, après avoir essayé de travailler de nuit, a fini par perdre son emploi.

Se résigner à « placer » le malade, à l’encontre de sa volonté maintes fois exprimée. Le voir, impuissant, se faire trimballer d’un établissement à l’autre. À partir du moment où elle a dû quitter sa maison, Jocelyne Lizotte a été transférée d’établissement cinq fois en neuf mois.

S’éreinter à compenser le manque de soins à une personne de plus en plus refermée sur elle-même. Même le médecin était incapable d’attribuer les gémissements de Mme Lizotte à de l’inconfort, de l’insatisfaction, de la douleur ou de la fatigue, ou de dire si elle ressentait de la détresse.

Demander l’aide médicale à mourir en citant les volontés jadis exprimées par le patient. Se la voir refuser parce que celui-ci n’est plus apte à y consentir.

Tomber malade soi-même. Le médecin de famille de M. Cadotte lui avait diagnostiqué une dépression majeure, et prescrit anxiolytique et antidépresseur depuis plusieurs années déjà. Ex-toxicomane, celui-ci avait recommencé à consommer de l’alcool quelques semaines avant le drame, et en très grande quantité dans les deux jours précédents.

Tout cela n’excuse rien. S’il n’est pas rare que des proches espèrent voir l’être cher libéré de sa triste condition, ils ne s’autorisent pas pour autant à prendre les choses en main. C’est non seulement criminel, mais dévastateur pour ceux qui restent — plusieurs membres de la famille de Mme Lizotte en ont témoigné de manière poignante au procès.

Cependant, comme l’a souligné la juge Di Salvo dans sa décision, « en tant que citoyens, on ne peut qu’espérer que les cris d’alarme concernant les difficultés des aidants naturels ainsi que la problématique du nombre grandissant de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer auront été entendus ».

La ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, avait déjà annoncé une politique nationale pour les proches aidants. La première mouture est promise pour l’automne, la version définitive en décembre. Plan d’action et budget suivront.

On ne doute pas de la sensibilité de la ministre Blais. Certains des éléments déjà évoqués, dont un suivi médical pour les proches aidants et une révision des crédits d’impôt, répondent à de réels besoins.

Elle doit toutefois être consciente qu’on part de très loin. Et que le tandem patient-proche aidant est tellement démuni devant la machine bureaucratique qu’il en faudra beaucoup pour instaurer un semblant d’équilibre. Il faut soutenir davantage les proches aidants à domicile, mais aussi leur faire de la place lorsque leur parent est transféré en établissement. Leur expliquer la maladie, mais aussi prodiguer des soins suffisants pour que la famille ait l’esprit en paix.

Avec le procès Cadotte, le grand public, le jury et même la juge ont démontré une grande empathie à l’égard des proches aidants. Notre gigantesque système de santé et de services sociaux saura-t-il en faire autant ? Espérons qu’il n’attendra pas d’autres drames du genre pour se réveiller.

Comment vont les proches aidants d’aînés ?

Près d’un sur deux (47 %) donne au moins 10 heures de soins par semaine.

À partir de 10 heures de soins par semaine, l'aidant est plus susceptible de ressentir de la détresse, de la colère ou des symptômes dépressifs.

Lorsque l’aîné est atteint de démence, près d’un proche aidant sur deux (45 %) souffre de détresse.

Neuf fois sur dix, le proche aidant de l’aîné atteint de démence est un enfant (58 %) ou un conjoint (32 %).

Près d’un aidant sur quatre n’a pas reçu l’aide dont il aurait eu besoin.

Source : Institut canadien de l’information sur la santé (ICIS). Chiffres tirés de l’Enquête internationale sur les politiques de santé du Fonds du Commonwealth 2014 

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