Non seulement les problèmes du système de paie Phénix ne sont-ils pas près de se résorber, mais ils risquent de se reproduire, souligne un nouveau rapport publié cette semaine. Qu'attend Ottawa pour ordonner une véritable enquête sur cette monstruosité informatique ?

Même le Comité sénatorial permanent des finances nationales a été frappé par l'absence d'imputabilité.

« Enfin, et c'est sans doute le plus important, nous sommes consternés que cet important projet ait été mené sans plus de surveillance indépendante [...] et que personne n'ait assumé la responsabilité ni n'ait été tenu de rendre des comptes pour le fiasco de Phénix », écrivent les sénateurs dans leur rapport.

Le comité, qui ne voulait pas se lancer dans une chasse aux coupables, s'en est tenu à cinq recommandations visant à sortir le gouvernement de ce bourbier et à lui éviter d'y remettre le pied. Mais tout comme le vérificateur général, il souligne que la culture de la fonction publique fédérale, qui incite à tout faire pour ne pas avoir à assumer la responsabilité d'une erreur, doit changer.

Il faut toutefois être conscient qu'une culture organisationnelle n'est pas le résultat d'une génération spontanée. C'est comme l'exemple : ça doit venir d'en haut. Et l'exemple, jusqu'ici, n'a rien de très édifiant.

Le gouvernement Harper, qui a prétendu pouvoir économiser 210 millions en centralisant la paie de près de 300 000 fonctionnaires provenant d'une centaine de ministères et organismes, a évidemment une lourde part de responsabilité dans ce gâchis. C'est toutefois le gouvernement Trudeau qui, en dépit des signaux alarmants, a lancé la machine en février 2016. Et qui, malgré les problèmes manifestes, a enclenché la deuxième phase deux mois plus tard.

« Nous craignons aussi qu'en concevant un autre système, on ne fera que répéter les mêmes erreurs et problèmes », indiquent les sénateurs dans leur rapport. Services publics et Approvisionnement Canada devrait présenter des scénarios détaillés au Parlement avant de se lancer, recommandent-ils.

Ce serait essentiel, mais il faut davantage. On sait que les trois cadres qui pilotaient le projet ont ignoré et passé sous silence de nombreuses failles du système. Sauf qu'ils n'ont jamais été nommés ni interrogés publiquement. C'est trop facile. Et surtout, c'est dangereux. Si l'on veut que les élus et les hauts fonctionnaires se préoccupent des conséquences de leurs actes, il faut que ces gestes aient des conséquences pour eux aussi. Or, les seuls à écoper jusqu'ici sont les fonctionnaires fédéraux et les contribuables.

Plus de la moitié des fonctionnaires ont eu des problèmes de paie avec Phénix et c'est loin d'être fini. Au 30 mai dernier, près de 600 000 demandes d'intervention étaient encore en attente.

Quant à la note, elle continue de grimper. Des sommes importantes sont annoncées pour tenter de rafistoler et de stabiliser ce système anarchique, mais on n'a aucune idée de ce qu'il en coûtera pour le remplacer. Ni pour indemniser les fonctionnaires lésés, un casse-tête pour le gouvernement, rapportait La Presse Canadienne lundi.

Seule certitude : des centaines de millions de dollars d'impôt, censés financer des services utiles à la population, vont encore être aspirés dans ce trou noir au cours des prochaines années.

À ce prix-là, on est en droit d'exiger des réponses.

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