Les nouvelles mesures visant à percevoir la TVQ sur les achats en ligne auprès d'entreprises de l'extérieur de la province n'élimineront pas la concurrence déloyale envers les commerçants locaux, mais c'est un premier geste concret qui mérite d'être encouragé.

Si vous achetez régulièrement en ligne, vous l'avez constaté : que ce soit des vêtements des États-Unis, des accessoires pour la maison de Chine ou même une montre d'une autre province canadienne, il y a bien des chances que le marchand omette de vous facturer la taxe de vente du Québec (TVQ). Il arrive que des taxes et des droits de douane vous soient réclamés sur un colis en provenance des États-Unis ou d'un autre pays étranger, mais c'est loin d'être la norme.

Plus de 200 millions de dollars de TVQ échappent ainsi au Trésor public chaque année, estime le ministère des Finances.

En ajoutant les services numériques étrangers non taxés (Netflix, films, magazines, logiciels, jeux, etc.), la perte fiscale grimpe à 270 millions par an. Et contrairement à Ottawa, Québec a décidé d'intervenir.

Les entreprises numériques basées à l'extérieur du Canada, comme Netflix, devront percevoir la TVQ à partir du 1er janvier prochain, a confirmé le ministre des Finances Carlos Leitão dans son budget.

Les marchands canadiens qui vendent pour plus de 30 000 $ de biens par an au Québec devront facturer la TVQ eux aussi - s'ils ne le font pas déjà. En effet, près de 85 % des achats effectués dans une autre province sont déjà taxés, a constaté Revenu Québec après vérification auprès des sites les plus fréquentés par les consommateurs d'ici.

Le gros du problème, on l'aura deviné, vient des sites de vente étrangers. Plus de 90 % des achats qui y sont effectués ne sont pas soumis à la TVQ, faisant perdre près de 160 millions par an au Trésor public, estime le ministère des Finances.

Pour les colis de l'étranger, Revenu Québec devrait lancer un projet pilote au centre de tri de Postes Canada à Montréal le mois prochain. Combien de temps durera-t-il ? Quelle proportion des colis sera vérifiée ? Et surtout, quel rendement sera nécessaire, en argent récupéré ou en nombre de colis interceptés, pour que Québec considère que l'expérience est un succès, que les fonctionnaires impliqués sont un bon investissement et que le projet mérite d'être prolongé et étendu à d'autres villes ?

Revenu Québec a malheureusement refusé de répondre à ces questions. Elles sont pourtant essentielles. Si près de 160 millions en taxes ne sont pas à dédaigner, récupérer une partie de cette somme représenterait un gain modeste par rapport aux 17 milliards de revenus de TVQ annuels. L'enjeu dépasse les sommes perdues par l'État. C'est une question d'équité fiscale pour les commerçants québécois.

Les réserves exprimées par le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) au sujet de cette approche, qui implique la manipulation de millions de colis, sont donc compréhensibles : ça ne suffira pas à ramener les prix sur un pied d'égalité.

Le Conseil aurait préféré que Québec demande aux grands intermédiaires de paiement (par carte ou autre) de prélever la taxe - une idée aussi mise de l'avant par Québec solidaire dans son projet de loi 997. Est-ce faisable ? En théorie, peut-être, mais en pratique, ça s'annonce mal.

Transférer le fardeau de la perception et de la remise de la taxe de vente aux services de paiement ? Bonne chance ! Comme en témoigne le compte-rendu d'un entretien entre des représentants de Visa, de Mastercard, des banques et du gouvernement divulgué par la loi d'accès, ça ne les intéresse aucunement. Des années de bras de fer en perspective...

Les mesures annoncées par Québec dans son budget ne règlent pas tout, mais ce sont des gestes concrets. C'est déjà beaucoup plus qu'au fédéral. On s'attend à ce que Netflix accepte de percevoir la TVQ. D'autres pourraient l'imiter.

De plus, la Cour suprême américaine pourrait bientôt permettre aux États d'exiger leurs taxes de vente sur les achats en ligne, ce qui contribuerait grandement à normaliser cette pratique. Il y a aussi le G20, dont le Canada fait partie, qui s'est engagé à trouver une solution commune d'ici 2020.

En attendant, les petites mesures prises par Québec permettront non seulement de démontrer ce qu'il est possible de faire, mais aussi ce qui devrait être fait de plus.

Lorsque la TVQ n'est pas facturée sur un achat à l'étranger, la TPS et les droits de douane ne le sont pas non plus.

Ça s'annonce embarrassant pour le gouvernement fédéral. Tant mieux : rien de tel qu'un peu de pression pour forcer à l'amélioration.

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