Les nouvelles données du recensement publiées par Statistique Canada ont braqué les projecteurs sur les revenus des ménages la semaine dernière. On y a notamment appris que le revenu médian a progressé un peu plus rapidement au cours de la dernière décennie, mais que malgré cela, le pourcentage de la population considéré à faible revenu n'a pas diminué. C'est malheureux, on en convient. Mais ce qu'il serait important de savoir, c'est ce qui arrive aux individus concernés. Resteront-ils coincés sous ce seuil de faible revenu ou réussiront-ils à améliorer leur sort ? En d'autres mots, la mobilité sociale est-elle possible ?

En 2015, un Canadien sur sept (14,2 %) vivait dans un ménage à faible revenu. Mais ce chiffre mesuré au recensement est une photo de groupe, pas le film d'une vie. Plus encore que les revenus déclarés en 2016, ce sont les individus qui les gagnent qui devraient nous intéresser. Où en seront-ils dans 5, 10 ans, 20 ans ? La question est particulièrement préoccupante pour les enfants de milieux défavorisés - 17 % des jeunes de 17 ans ou moins vivaient dans un ménage à faible revenu l'an dernier. On espère qu'ils arriveront à grimper les échelons et qu'ils auront la vie plus facile que leurs parents. Ce n'est pas gagné d'avance.

La mobilité sociale a beau être, en moyenne, plus forte au Canada qu'aux États-Unis, elle n'est pas automatique, loin de là.

On a tous entendu des histoires de gens qui, en une génération, sont passés du bas au sommet de l'échelle. Mais cela demeure l'exception. À peine plus de 10 % y parviennent, montre une étude du professeur Miles Corak de l'Université d'Ottawa.

Par contre, le risque qu'un enfant ayant grandi au bas de l'échelle y reste une fois rendu sur le marché du travail est de un sur trois

Ce sont des moyennes provinciales, mais les résultats très détaillés du professeur Corak, qui portent sur 266 divisions géographiques, révèlent des portraits très contrastés entre les régions d'une même province.

On y découvre des résultats étonnants, par exemple dans le Sud-Ouest ontarien, dont on aurait pu craindre le pire en raison du déclin manufacturier. Et pourtant, cette zone affiche l'une des plus fortes mobilités au pays. Malgré la disparition de nombreux emplois, beaucoup de jeunes issus des environs ont réussi à faire mieux que leurs parents. Pourquoi ? La proximité de Toronto, avec ses universités et ses emplois payants, pourrait avoir joué, pense le chercheur. Le grand nombre d'immigrants, un groupe qui fait preuve d'une forte mobilité intergénérationnelle, a sans doute aussi pesé dans la balance.

À l'inverse, beaucoup de régions canadiennes isolées, où les possibilités d'étudier et les perspectives d'emploi sont limitées, affichent une faible mobilité. La disponibilité des emplois locaux, toutefois, n'explique pas tout, puisque ces chiffres sur la mobilité des régions reflètent seulement les revenus des personnes qui en sont originaires, peu importe l'endroit où elles vivent à l'âge adulte. Il serait important de savoir si les régions à forte mobilité intergénérationnelle ne sont pas tout simplement des régions peuplées par des gens à forte mobilité géographique, qui sont plus portés à déménager pour décrocher un bon emploi. Si c'est le cas, il y aurait là matière à réflexion pour les politiciens, qui considèrent souvent l'ouverture d'une usine ou d'un chantier, quel qu'en soit le coût, comme seule solution aux problèmes d'une région.

M. Corak prépare d'autres études sur ce phénomène avec des collègues, notamment sur les différences entre les hommes et les femmes. Statistique Canada en a publié quelques-unes, dont l'une, au printemps, montrait que contrairement à ce que plusieurs croient, la plupart des jeunes adultes font aussi bien que la génération précédente. À 30 ans, la majorité des jeunes nés entre 1970 et 1984 gagnaient autant, sinon plus, que leurs parents au même âge. Il en faudrait beaucoup d'autres, pour déceler les interventions qui font vraiment une différence, et vérifier si les perspectives s'améliorent ou se détériorent pour les jeunes.

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