Avis aux conducteurs : le risque de se faire intercepter avec les facultés affaiblies par le cannabis est bien réel, et a de bonnes chances d'augmenter avec la légalisation. Encore faudra-t-il que ça se sache.

Entre 9,8 % et 15,2 % des Québécois reconnaissent avoir consommé de la marijuana au cours de la dernière année. Et près de 3 % d'entre eux admettent avoir pris le volant après avoir fait usage d'une drogue, le plus souvent de la marijuana, montrent les enquêtes citées cette semaine au Forum d'experts sur l'encadrement du cannabis au Québec.

La légalisation fera-t-elle augmenter le nombre de chauffards sur nos routes ? Il y a tout un travail à faire pour que cette crainte ne se matérialise pas.

On pense spontanément aux jeunes, pour deux raisons.

 - Il sont plus portés sur le cannabis : 30 % des 20-24 ans et 21 % des 15-19 ans en ont consommé dans la dernière année, contre seulement 10 % des 25 ans et plus, selon une enquête de Statistique Canada ;

 - Ils sont déjà surreprésentés dans les accidents de la route, notamment à cause de leur manque d'expérience.

Sauf qu'ils sont plus conscients des risques associés à la conduite sous influence de la drogue. L'idée qu'ils puissent être arrêtés, et que les policiers puissent facilement détecter la présence de drogue dans l'organisme, est nettement plus répandue chez les moins de 25 ans, les étudiants et ceux qui conduisent depuis moins de cinq ans, montre un sondage commandé par la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ).

Voilà qui est encourageant... et qui suggère de ne pas négliger les autres groupes d'âge dans les efforts de sensibilisation - d'autant que leur consommation est peut-être plus importante qu'ils ne l'avouent dans les enquêtes.

Les statistiques sur le cannabis exigent souvent un peu de recul. Au Colorado, les accidents de la route mortels impliquant de la marijuana ont augmenté de 48 % dans les trois années suivant la légalisation. Spectaculaire ? Oui, mais ça ne veut pas dire que la substance était à l'origine de l'accident, ni même que les facultés du conducteur étaient altérées - seulement que les analyses toxicologiques en ont détecté dans le corps. Or, on peut retrouver de telles traces jusqu'à plusieurs semaines après la dernière consommation.

Ce qui est sûr, par contre, c'est que plusieurs effets du cannabis (baisse de l'attention, allongement du temps de réaction et de freinage, omission de panneaux, etc.) sont peu compatibles avec la conduite d'un véhicule moteur. Qu'ils varient selon la dose, l'utilisateur et le mode de consommation. Et que l'atteinte aux fonctions cognitives peut durer plusieurs heures - jusqu'à 24 heures, montrent des recherches citées au Forum.

La SAAQ tient des campagnes de sensibilisation sur la drogue au volant depuis plusieurs années. Cependant, il en faudra bien davantage pour conscientiser l'ensemble de la population.

Appliquer une tolérance zéro à ceux qui font déjà l'objet d'une telle restriction pour l'alcool (titulaires de permis probatoires ou d'apprenti, conducteurs de moins de 22 ans et chauffeurs affectés au transport de personnes) renforcerait certainement le message.

Et comme pour n'importe quel comportement dangereux, le risque d'être arrêté sera déterminant. Il existe déjà. Malheureusement, on a peu de chiffres pour en faire prendre conscience. Le projet de loi fédéral, qui associe des pénalités à des taux de THC dans le sang, facilitera le suivi. Toutefois, ce sont les ressources sur le terrain (policiers spécialisés, techniciens en prises de sang) qui contribueront le plus à la dissuasion.

Ne soyons pas naïfs. Le cannabis pose des défis considérables en termes de communication et d'encadrement, car c'est une substance complexe dont les effets sont nettement plus difficiles à cerner que ceux de l'alcool. Cependant, la mobilisation suscitée par sa légalisation imminente est prometteuse. Les risques de la conduite sous influence seront non seulement beaucoup plus diffusés, mais beaucoup plus surveillés qu'auparavant.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion