Ce n'est pas le sujet qui fait le plus jaser durant le temps des Fêtes, mais on ne perd rien pour attendre. Le projet de loi 130, qui bouleverse le rapport de forces entre médecins et hôpitaux, risque de faire des vagues en 2017. Véritables intentions ou stratégie de négociation ?

Déposé au dernier jour de la session parlementaire et coiffé d'un titre à rallonge, le projet de Loi modifiant certaines dispositions relatives à l'organisation clinique et à la gestion des établissements de santé et de services sociaux est passé relativement inaperçu.

Le ministre de la Santé Gaétan Barrette ne s'en est cependant pas caché : son contenu va en contrarier plusieurs.

« Vous comprendrez que ça va créer un grand émoi (...). La communauté médicale va considérer que c'est une attaque frontale à leur autonomie professionnelle historique », a-t-il reconnu en conférence de presse.

Une part importante du projet de loi s'attaque en effet à ce qu'on appelle les privilèges - les ententes en vertu desquelles les médecins peuvent exercer leur profession dans les établissements de santé. L'octroi et le renouvellement de ces privilèges seraient soumis à davantage d'obligations.

Par rapport à la situation actuelle, où les conditions qui permettent de suspendre ou mettre fin aux privilèges d'un médecin ont été sévèrement balisées par les tribunaux, c'est une véritable révolution.

Les médecins, qui ont un statut particulier dans les hôpitaux parce qu'ils ne sont pas salariés, mais payés à l'acte par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), perdraient ainsi une partie de leur indépendance face à l'administration des établissements.

Comme on s'y attendait, les syndicats de médecins ont rué dans les brancards. « L'autonomie professionnelle des médecins ne sera pas le cadeau de Noël de Gaétan Barrette », a déclaré la Fédération des médecins spécialistes du Québec dans son communiqué. « Politique spectacle et (...) soif de contrôle », a renchéri la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec dans le sien.

Pour le ministre Barrette, il s'agit plutôt d'aider les gestionnaires à régler des problèmes que la loi actuelle ne permet pas de résoudre. Des radiologues tardent à fournir leurs rapports de radiographie, des ophtalmologistes et des anesthésistes refusent d'aller dans un autre hôpital faisant partie du même établissement fusionné, a-t-il dénoncé. Les omnipraticiens travaillant à l'hôpital pourraient aussi être obligés de prendre des patients, suggère le projet de loi.

Si le Québec devait créer un système de santé de toutes pièces, nous ne recommanderions certainement pas le tracé actuel, qui est touffu, enchevêtré et gaspille de l'énergie à tirer dans des directions opposées. Sauf qu'on ne part pas d'une page blanche. Arracher une pièce pour la remplacer par une autre de forme différente n'est pas sans conséquence.

Permettre aux gestionnaires d'imposer leurs conditions augmenterait évidemment leur marge de manoeuvre. Mais selon quels critères les nouvelles exigences seraient-elles réparties ? Comment décidera-t-on qui est forcé d'aller ailleurs, ou de réduire sa présence à l'hôpital ? Le projet de loi est muet là-dessus. Les avis sont d'ailleurs partagés dans les organisations de gestionnaires. Si plusieurs y voient des avantages potentiels, certains craignent que cela augmente les tensions avec les médecins, ou les empêche de travailler en collaboration avec eux.

Ce projet de loi 130 sera-t-il combattu avec autant de vigueur que le fameux projet de loi 20 ? Le sujet est différent, mais l'enjeu est comparable. Il s'agit d'amener les médecins, de gré ou de force, à répondre aux demandes de Québec et de la population.

Or, plus d'un an après son adoption, la loi 20 n'est toujours pas en vigueur. Son application est suspendue comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des médecins. S'ils atteignent les cibles convenues d'ici la fin de l'an prochain, ils y échapperont. Assistons-nous à une répétition du même stratagème ? On pourrait dire que c'est habile... ou que ça en devient lassant. Dans un cas comme dans l'autre, il faudra beaucoup temps avant qu'on sache si l'accès aux soins (et non pas seulement aux médecins) s'en trouve amélioré.

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