Bonne nouvelle : l'internet haute vitesse est enfin reconnu comme un service essentiel auquel tous les Canadiens doivent avoir accès. Reste à voir à quelle vitesse, justement, cette promesse deviendra réalité.

« Il s'agit d'objectifs ambitieux. Il ne sera pas facile de les réaliser et ils ne seront pas sans frais », a reconnu le grand patron du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), Jean-Pierre Blais, dans son discours, mercredi.

Tout est dit.

Le libre marché a des limites. Son offre s'arrête là où elle est jugée rentable. La couverture internet du territoire canadien l'illustre de manière éloquente. Près d'un citoyen sur cinq n'a pas encore accès à un service aux normes minimales du CRTC, soit 50 mégabits par seconde (Mbps) pour le téléchargement et 10 Mbps pour le téléversement.

Oui, c'est plus que ce que certains avaient réclamé ou recommandé durant les consultations, mais ce n'est pas de la science-fiction non plus. La quasi-totalité des ménages vivant en milieu urbain (99 %) a déjà accès à une vitesse de téléchargement d'au moins 50 Mbps. À l'extérieur de ces zones ? Moins d'un sur trois (29 %).

On est encore bien loin de cet « objectif du service universel » que vient de fixer le CRTC.

Les premiers pas, toutefois, ne s'annoncent pas si ardus.

Le Conseil veut que 90 % des entreprises et des foyers canadiens aient accès aux vitesses requises d'ici la fin de 2021. Officiellement, on est à 82 %, mais dans les faits, on part sans doute de moins loin puisque ce chiffre date de 2015.

De plus, les zones mal desservies ne sont pas toutes au milieu de nulle part. Plusieurs se trouvent en périphérie des grands centres - ce qui est d'autant plus frustrant pour leurs résidants. Les secteurs où le principal frein à l'investissement vient de la taille pas tout à fait suffisante du marché (et non de l'isolement géographique ou d'obstacles physiques) ont des chances d'être reliés plus rapidement, si les incitatifs financiers offerts sont suffisants pour modifier les calculs des fournisseurs.

Les marchés impossibles à desservir autrement que par satellite, par contre, risquent d'attendre longtemps. Les vitesses et les forfaits de données illimités requis par le CRTC ne sont souvent pas offerts à cause des contraintes de capacité. Même en réservant jusqu'à 10 % des fonds aux communautés dépendantes des satellites, le Conseil estime qu'il faudra de 5 à 10 ans supplémentaires pour arriver à couvrir 100 % de la population.

Ces objectifs, heureusement, ne sont pas des voeux pieux puisqu'un fonds sera créé pour soutenir l'opération. Par contre, tout, ou presque, reste à faire de ce côté.

Oui, l'argent qui servait à subventionner le service téléphonique de base dans des régions rurales et éloignées (environ 100 millions cette année) sera réaffecté à l'accès internet. Ce transfert, toutefois, sera graduel, et les modalités restent à déterminer. On ne sait pas non plus dans quelle mesure les enveloppes déjà annoncées par le fédéral en lien avec les services internet à haute vitesse (255 millions du Fonds d'infrastructure pour les Premières Nations, 500 millions pour les collectivités rurales et éloignées) seront mises à contribution. Le financement maximal disponible, les critères d'admissibilité et l'organisme indépendant qui en sera responsable restent aussi à venir. Bref, n'ajustez pas votre appareil. Les régions mal desservies ne passeront pas en vitesse supérieure avant un bout.

N'empêche, la reconnaissance de l'internet haute vitesse et du cellulaire comme services de télécommunications de base est un geste lourd de conséquences. Les cibles chiffrées et datées créent des attentes et, donc, une obligation de résultat. Si le gouvernement fédéral se traîne les pieds, il sera rattrapé par ces promesses.

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