Pourquoi diable Investissement Québec est-elle allée vendre sa participation de près de 10 % dans Rona ? Les témoignages entendus hier devant la Commission de l'économie et du travail ont bien éclairé les circonstances ayant mené à cette décision. Mais malgré les hauts cris des partis d'opposition, ils ne permettent pas de conclure à la culpabilité du gouvernement Couillard dans la perte de ce siège social. Ils ont plutôt mis en relief, une fois de plus, la mécanique qui a rendu la vente de Rona pratiquement inévitable.

C'est le jeu des partis d'opposition que d'embarrasser le pouvoir. Et la version de l'ex-ministre de l'Économie Jacques Daoust, qui a toujours prétendu ne pas avoir pas été informé de ce désinvestissement majeur, était embarrassante à souhait. Les témoins entendus hier ont confirmé l'impression générale : le ministre responsable d'Investissement Québec (IQ) aurait dû être informé, et tout indique qu'il l'a été. Le témoignage sous serment de son ex-directeur de cabinet, Pierre Ouellet, a achevé d'enfoncer le clou à la fin de la journée.

Sauf que la donne a changé depuis vendredi dernier. La nécessité de savoir si un ministre à la tête d'un portefeuille aussi important que celui des Transports a menti à l'Assemblée nationale et à la population a disparu avec la démission de M. Daoust.

Reste la question plus large de la culpabilité (selon les partis d'opposition) du gouvernement dans la perte du siège social de Rona. Or, malgré l'étonnante version des faits de M. Ouellet, les audiences de la Commission n'ont pas amené d'eau à ce moulin. Au contraire, elles ont plutôt exposé les mécanismes qui ont incité IQ à se départir de ses actions et qui, même si elle les avait conservées, ne lui auraient pas permis de stopper la vente de l'entreprise.

Comme l'ont rappelé plusieurs témoins, le contexte dans lequel le conseil d'administration a décidé de vendre ces actions était bien différent de celui qui avait provoqué leur acquisition.

Nous sommes en novembre 2014. Plus de deux ans se sont écoulés depuis que la société américaine Lowe's a retiré son offre d'achat hostile, et elle n'est pas revenue à la charge. Rona, de son côté, est devenue moins attrayante pour un prédateur, car ses finances et son titre se sont remplumés. Au sein du portefeuille d'IQ, cet investissement atypique a plus que jamais l'air d'un éléphant dans un magasin de porcelaine : s'il va dans la mauvaise direction, il y aura de la casse. Les 11 millions d'actions restantes ont coûté plus de 140 millions à la société d'État. Si jamais l'action chute de façon importante, de 50 %, par exemple, elle essuiera une perte plus importante que son bénéfice annuel - sur un seul investissement dans un secteur où elle n'est même pas censée investir, celui du commerce de détail !

Des démarches sont entreprises auprès du ministre. Le conseil, ayant toutes les raisons de croire qu'il est d'accord avec la vente, décide d'aller de l'avant le mois suivant. Deux mois plus tard, l'opération est complétée.

Il s'écoulera encore un an avant que la vente de Rona ne redevienne un enjeu. Et là encore, le contexte a beaucoup changé. Cette fois, l'offre de Lowe's est amicale, et généreuse. À 24 $ l'action, le conseil de Rona n'a pratiquement pas d'autre choix que de la recommander. Et même si IQ avait encore eu ses 10 %, elle n'aurait pas pu bloquer la transaction : la Caisse de dépôt, elle, a décidé de céder sa participation de 17 %, sonnant le glas de la minorité de blocage formée dans l'urgence en 2012.

Laisser entendre que le gouvernement Couillard a causé la perte du siège social de Rona en laissant IQ vendre sa participation dans Rona, c'est un raisonnement tiré par les cheveux.

A-t-il bien géré cette affaire et lui a-t-il accordé toute l'attention qu'elle requérait ? Là-dessus, par contre, les témoignages entendus hier soulèvent de nombreuses questions. Il faudra bien y donner des réponses, que ce soit en accueillant d'autres témoins, comme Jacques Daoust, devant la Commission, ou autrement - l'essentiel est de tirer les choses au clair.

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