Les dossiers résolus le montrent: dans 70% des cas, les meurtriers de femmes autochtones sont eux-mêmes d'origine autochtone, vient de confirmer la GRC. Possible, mais ça ne change rien à la nécessité de tenir une enquête publique sur ces disparitions.

Le ministre des Affaires autochtones a fâché beaucoup de monde en mentionnant cette statistique lors d'une rencontre privée avec des chefs, le mois dernier à Calgary. Plusieurs ont demandé à voir les chiffres. La grande chef de la Première Nation Cold Lake, en Alberta, a reçu la réponse de la GRC la semaine dernière.

Les données consolidées de près de 300 services de police confirment que 25% des auteurs de ces homicides sont non autochtones et 5% d'origine ethnique inconnue, précise le grand patron de la GRC dans sa lettre à Bernice Martial. Sceptique et visiblement sous le choc, Mme Martial a réclamé les données et la méthodologie.

Cette statistique, même en supposant qu'elle soit exacte, n'a pourtant rien d'honteux. Les données sur les homicides résolus dans l'ensemble de la population le montrent: dans près de neuf cas sur 10, la victime connaissait son meurtrier. Partant de là, le fait que dans sept cas sur 10, une autochtone soit tuée par quelqu'un qui est aussi originaire d'une communauté des Premières Nations apparaît assez banal.

Ce qui est gênant, ce n'est pas ce 70%. C'est le fait que 16% des femmes victimes d'homicide entre 1980 et 2012 étaient autochtones, alors que cette minorité ne constitue que 4% de la population féminine au pays.

La seule chose vraiment choquante avec ce chiffre de 70%, c'est que le ministre Bernard Valcourt l'ait évoqué comme un argument de plus pour ne pas ouvrir l'enquête publique. En brandissant cette donnée comme si elle était remarquable, le ministre a l'air, au mieux, de ne pas savoir de quoi il parle ou, au pire, d'essayer de faire passer les autochtones pour une bande de dégénérés.

Cette donnée ne nous apprend rien sur l'aspect le plus inquiétant de ces disparitions, soit le peu d'attention qui leur est accordée. Ces signalements sont-ils toujours traités avec le même sérieux que s'il s'agissait de femmes non autochtones? De nombreux témoignages, dont ceux recueillis récemment par le réseau CBC auprès d'une centaine de familles, nous portent à croire que non. Sans oublier les cas documentés comme celui de Tina Fontaine, cette ado de Winnipeg dont la fugue avait été signalée depuis plusieurs jours lorsque des policiers l'ont vue dans une voiture qu'ils venaient d'interpeler, en août dernier. Pourtant, ils l'ont laissée repartir. Son corps a été retrouvé environ une semaine plus tard dans la rivière Rouge.

Au moins 1017 autochtones ont été assassinées entre 1980 et 2012. Combien de ces enquêtes auraient dû être menées plus rondement? Combien de morts auraient ainsi pu être évitées? En voilà des chiffres pertinents et susceptibles de faire bouger les choses. Mais sans une commission d'enquête nationale, on ne les trouvera jamais.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion