La France vient d'adopter deux mesures visant à tempérer l'image de maigreur que les mannequins projettent dans l'espace public. Les agences ne pourront plus faire travailler des modèles dont l'indice de masse corporelle est jugé insuffisant. Et les publicités exhibant des silhouettes modifiées devront en faire mention. Voilà une expérience qui mérite d'être suivie de près.

Le premier de ces amendements adoptés à la fin de la semaine dernière à l'Assemblée nationale française vise à modifier le Code du travail: le mannequinat sera interdit «à toute personne dont l'indice de masse corporelle atteste qu'elle est en état de dénutrition». Le second amendement exige que les images commerciales de mannequins dont la silhouette a été affinée ou épaissie avec un logiciel affichent la mention «photographie retouchée».

Les mesures doivent encore passer au Sénat, et les détails pratiques restent à préciser. L'indice de masse corporelle (IMC) minimum sera établi par les autorités de santé en tenant compte de l'âge et du sexe. L'application de l'étiquette «photographie retouchée» sera déterminée par décret.

L'initiative, on s'en doute, est loin de faire l'unanimité. Des députés d'opposition ont voté contre et des acteurs du milieu de la mode dénoncent ces contraintes.

La faiblesse de ces amendements tient plutôt, selon nous, au pouvoir excessif qu'on leur prête dans la prévention de l'anorexie. L'anorexie mentale est une maladie complexe. Il faut plus que la vue de corps effilés pour la déclencher. Et présumer que tous les mannequins en souffrent est pour le moins simpliste.

Si ces images ne peuvent être tenues directement responsables des troubles alimentaires, elles ne sont pas innocentes pour autant. Elles contribuent de façon importante à cet environnement démoralisant qui incite tant de femmes à s'astreindre à des régimes malsains, lesquels se soldent souvent par un gain de poids net. C'est un enjeu de santé réel.

On aurait préféré que cette mode, comme tant de modes ridicules, s'estompe d'elle-même. D'autant que ce n'est pas une fatalité. L'industrie a déjà travaillé avec des mannequins moins exsangues, à qui on ne demandait pas d'entrer dans des échantillons si exigus. Hélas, même si la tendance est de plus en plus critiquée (notamment par la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée), elle se maintient. D'où la nécessité de tenter autre chose.

L'Espagne et l'Italie ont pris certaines mesures, mais seul Israël est allé aussi loin que la France. Paris sera donc la première grande capitale de la mode à intégrer de telles exigences.

Cela dit, une loi n'est pas une formule magique qu'il suffit d'énoncer pour changer la situation. Pour qu'elle fasse effet, il faut la faire respecter. Il sera donc important de mesurer l'influence réelle de ces mesures sur les images que la France diffuse dans le monde.

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