Le rapport du coroner sur le décès d'Huguette Bergeron, cette Montréalaise de 77 ans happée sous un poids lourd en mai dernier, donne froid dans le dos. Les problèmes relevés sont multiples et ne se régleront pas en un claquement de doigts. Piétons et camionneurs doivent redoubler de vigilance.

La septuagénaire n'avait pas fini de traverser l'avenue de Chateaubriand quand son feu a tourné au rouge, mais le chauffeur du camion devant lequel elle se trouvait ne l'a pas vue. Du haut de ses 5'3, elle était dans son angle mort. Il a démarré, elle s'est retrouvée sous sa roue droite. Elle est décédée moins d'une heure plus tard.

Montréal doit rendre ses intersections le plus sécuritaire possible pour les usagers vulnérables, recommande le coroner Jean Brochu. Feux assez longs pour leur permettre de traverser, terre-pleins pour s'arrêter au milieu, feux pour piétons avec décompte et saillies de trottoir font partie des améliorations suggérées.

On ne peut qu'être d'accord. Les aménagements qui mettent les usagers en position naturellement sécuritaire ont fait leurs preuves. Montréal a fait des efforts au cours des dernières années, mais on n'est pas près d'avoir des terre-pleins et des feux piétonniers partout. Et même si cela était, ça ne réglerait pas tout.

Un terre-plein central, aussi bienvenu soit-il quand il vous reste plusieurs voies à franchir, n'est pas un perchoir très agréable. La plupart des piétons essaient de se rendre à l'autre trottoir. Les feux dédiés sont encore pires. Si les marcheurs apprécient avoir une phase protégée, rares sont ceux qui s'en contentent. Au diable la main lumineuse clignotante ou fixe: tant que le feu est vert, ils s'engagent, souvent sans se soucier des véhicules.

Nous n'encourageons évidemment pas ces comportements. Idéalement, chacun respecterait le Code de la sécurité routière, ce qui rendrait ses mouvements beaucoup plus prévisibles. Hélas, ce n'est pas pour demain.

Beaucoup de conducteurs en sont déjà conscients, tous devraient l'être: à Montréal, les piétons font partie des impondérables et requièrent un supplément de vigilance, au même titre que les travaux et la signalisation anarchiques. Car malgré les exemples qui précèdent, ils ne sont souvent pas responsables de la situation. En l'absence de feu piétonnier, Mme Bergeron n'avait aucun moyen de savoir combien de temps elle avait pour traverser. Et elle ignorait sans doute l'étendue de l'angle mort frontal du mastodonte devant lequel elle s'apprêtait à passer.

Si les trois quarts des piétons savent que les chauffeurs de véhicules lourds ont un angle mort à leur droite, plus de la moitié (60%) ignorent qu'ils en ont un à l'avant, montre un sondage récent commandé par la Société de l'assurance automobile du Québec.

Piétons et cyclistes doivent prendre conscience de la vaste zone aveugle qui enveloppe les véhicules lourds et s'en tenir loin. Les camionneurs devraient néanmoins garder à l'esprit que beaucoup ne sont pas conscients de leur réalité. Et qu'être attentif à ces usagers plus vulnérables fait partie de leur travail lorsqu'ils circulent en ville.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion