Une assurance contre le choc pétrolier. C'est en ces termes que le gouverneur de la Banque du Canada a justifié la baisse inattendue du taux directeur, hier. Stephen Poloz se retrouve donc dans la même situation que n'importe quel client frappé par un sinistre: il croise les doigts pour que son contrat s'applique comme prévu.

Même si la Banque s'attend à ce que le prix du baril remonte un peu, elle estime le cours moyen des deux prochaines années à 60$US seulement. Un revirement dramatique par rapport aux 110$US de juin dernier - son Rapport sur la politique monétaire parle d'effondrement. Assez, selon elle, pour justifier son coup de théâtre.

La banque centrale n'étant pas exactement portée sur le suspense et les rebondissements, la plupart des observateurs s'attendaient à ce qu'elle laisse son taux directeur là où il se trouve depuis plus de quatre ans, soit à 1%. La baisse d'un quart de point a donc pris tout le monde par surprise.

«Compte tenu de l'ampleur du choc, nous avons conclu que les avantages d'intervenir maintenant plutôt que d'attendre l'emportaient sur les coûts de toute volatilité à court terme pouvant survenir sur les marchés», a plaidé le gouverneur.

Sauf qu'en voulant poser un geste rassurant, la Banque a surtout révélé la gravité de la situation. Ses prévisions de croissance pour la première moitié 2015 ont reculé de 2,4% à 1,5%.

Cette chute retentissante masque un signal encourageant: le regain des exportations dans les secteurs autres que l'énergie. La reprise économique de notre plus gros client, les États-Unis, a déjà un effet positif. La faiblesse du dollar canadien, provoquée par la baisse des prix du pétrole et amplifiée par cette baisse des taux, accentuera le mouvement, espère la Banque. Un scénario plausible puisque la croissance des ventes extérieures est nettement plus marquée dans les domaines sensibles aux taux de change (matériaux de construction, pièces d'auto, machines industrielles, etc.). Cette demande accrue dans un contexte de crédit abondant pourrait enfin convaincre les manufacturiers d'investir pour augmenter leur capacité. Il y aurait alors de bonnes chances qu'ils aient besoin de plus d'employés.

La baisse des taux aiderait donc les entreprises qui ne dépendent pas de l'extraction du pétrole ou du gaz à remplacer le secteur énergétique. C'est du moins ce que prévoit la police d'assurance que vient de contracter la Banque. Reste à savoir si tout se passera comme prévu. Stephen Poloz le reconnaît: il ne peut pas dire avec certitude quand, ni même si, on verra la couleur de cet argent.

Bref, rien pour aider le ministre fédéral des Finances. Joe Oliver, on le sait, a retardé la présentation son budget au moins jusqu'en avril, le temps de revoir ses calculs. Le rapport de la Banque lui fournit des chiffres plus précis, mais pas la marge de manoeuvre dont il aurait besoin pour concilier toutes les coûteuses promesses du gouvernement Harper.

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