C'est ce qu'Ottawa aurait dû écrire sur la page couverture de son Règlement sur l'accès à la marihuana à des fins médicales adopté en 2001. La quasi-absence de contrôles à l'égard des particuliers autorisés à cultiver du cannabis a créé une jungle où les permis servent de paravent à des activités criminelles.

Treize ans après la création du programme fédéral, plus de 30 000 Canadiens ont obtenu l'autorisation de posséder de la mari pour des raisons médicales. Près des deux tiers ont un permis pour faire pousser leurs propres plants. Quelque 3000 autres personnes ont le droit de produire pour des patients.

Les abus ont fleuri à un rythme équivalent. Santé Canada a reçu des dizaines de plaintes de voisins incommodés par les odeurs, les moisissures et le va-et-vient associés à la culture à domicile. Des pompiers ont trouvé des installations électriques non conformes. Et des policiers ont découvert des centaines de plants excédentaires, des armes et d'autres drogues chez des détenteurs de permis.

Il faut dire que le programme fédéral a fourni un terreau fertile. Non seulement les critères permettent de produire beaucoup plus que ce que les patients ont besoin, mais Santé Canada n'a qu'une quinzaine d'inspecteurs dans tout le pays. Et d'après les informations que nous avons obtenues par la loi d'accès, ils ne sont pas allés vérifier souvent si les conditions de permis étaient respectées - ils devaient même avoir la permission de l'occupant pour entrer dans un logement. Les policiers qui soupçonnent une plantation illégale ont aussi plus de mal à obtenir un mandat de perquisition quand l'occupant a un permis « médical », signale un rapport de la GRC.

Tous ces problèmes étaient déjà bien documentés lorsque le nombre de permis a commencé à exploser, entre 2010 et 2011. On se serait attendu à ce que le gouvernement Harper instaure des contrôles draconiens. Il a préféré la voie de la facilité : un nouveau règlement.

En principe, le nouveau programme coupe l'herbe sous le pied des criminels puisqu'il interdit la culture aux particuliers. Le hic, comme nous l'avons déjà souligné, c'est qu'il punit aussi les patients. Ceux-ci seraient en effet obligés de s'approvisionner auprès de grandes entreprises qui vendent le cannabis à un prix beaucoup plus élevé - inabordable, même, pour certains. Une situation considérée si injuste que la Cour fédérale a accordé une injonction prolongeant les permis existants. Santé Canada en appelle, mais il pourrait s'écouler au moins un an avant qu'elle soit entendue.

Certes, Ottawa ne délivre plus de nouveaux permis de production, mais il y en a encore plus de 23 000 en vigueur. Et ils continuent de causer bien des maux de tête aux policiers, a découvert notre collègue Daniel Renaud.

Au lieu d'échafauder un système grandiose qui rend les patients légitimes captifs de grands fournisseurs, le gouvernement Harper aurait mieux fait de corriger le programme original. Ainsi, le crime organisé ne serait plus en train d'en profiter.

- Avec la collaboration de William Leclerc

 

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