En décidant de financer la procréation assistée sans en encadrer suffisamment l'accès, Québec a ouvert la porte à toutes les dérives. Ce n'était qu'une question de temps avant que le programme ne soit utilisé avec une mère porteuse.

Le précédent créé par le comédien et animateur Joël Legendre suscite de vives réactions depuis deux jours. Normal. Le gouvernement a beau avoir soigneusement évité ce genre de débat avant d'ouvrir les vannes, il était inévitable qu'il refasse surface. Le recours à des mères porteuses est hautement controversé. Favoriser une telle pratique à l'aide de fonds publics ne pouvait que créer de remous.

Mieux aurait valu discuter de cet enjeu, et de plusieurs autres, avant d'offrir un accès aussi large aux femmes en âge de procréer. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. On a beau parler de traitements et de cliniques de fertilité, les problèmes de fertilité ne sont qu'une des cibles de cette initiative, qui s'adresse aussi aux femmes seules et aux couples de femmes gaies.

L'objectif de ce programme n'a jamais été purement médical; ne pas faire de discrimination a toujours figuré tout en haut de ses priorités. Si l'on accepte les couples gais féminins, pourquoi refuserait-on les couples gais masculins? Parce qu'ils n'ont pas d'utérus? Tss tss tss. Est-ce qu'on refuse les femmes seules ou les couples de lesbiennes parce qu'elles n'ont pas de sperme?

Selon ce qu'a raconté Joël Legendre dans une entrevue radiophonique, il a tout de même fallu une intervention de son député auprès de l'ex-ministre de la Santé pour que la Régie de l'assurance maladie (RAMQ) accepte de couvrir les traitements. On s'en étonne presque. La loi et les règlements qui «encadrent» (le terme est généreux) le programme de procréation assistée n'excluent pas non plus les mères porteuses.

Si les couples masculins ont le droit d'avoir recours à une mère porteuse, pourquoi pas les hommes seuls? Ou les couples hétérosexuels dont la femme n'est plus en âge de procréer? Vous trouvez ce raisonnement absurde? C'est pourtant la logique qu'imposent la loi et les règlements actuels. On aurait du mal à y trouver des motifs pour écarter de telles demandes. Ce système, comme nous l'écrivions déjà il y a près de quatre ans, est un bar ouvert.

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L'ex-ministre de la Santé Réjean Hébert s'en était inquiété, à juste titre. Il avait demandé au Commissaire à la santé et au bien-être d'examiner la situation, et d'envisager des balises. Le rapport sera bientôt présenté à son successeur.

«L'assurance maladie est un programme qui vise à couvrir les problèmes dits médicaux», avait déclaré le Dr Barrette lorsqu'il était à la tête de la Fédération des médecins spécialistes. Sera-t-il guidé par ce principe? On le souhaite. Recentrer le financement public de la procréation assistée sur des objectifs médicaux ne fera pas que des heureux, mais évitera à l'État d'endosser des pratiques discutables, comme l'utilisation de mères porteuses.

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