L'idée de facturer les chambres d'hôpital privées et semi-privées en fonction non plus de la demande du patient, mais de ses revenus ou du fait qu'il cotise ou non à une assurance privée, est inacceptable. C'est non seulement contraire à l'esprit de notre régime public, mais contreproductif. Québec doit y renoncer immédiatement.

Pour réduire la promiscuité propice à la propagation de maladies, les constructions et rénovations d'hôpitaux tendent à éliminer les pièces contenant trois lits ou plus. Les futurs CHUM et CUSM, par exemple, n'auront que des chambres privées. Une décision éclairée qui, en plus de réduire la transmission des infections nosocomiales, fournira un environnement plus calme favorable à la guérison. Ces hôpitaux, par contre, ne pourront plus percevoir de supplément pour une chambre semi-privée ou privée, puisque ces dernières seront fournies d'office.

Pour récupérer cet argent, on envisage de faire payer les patients hospitalisés en fonction de leurs revenus, a indiqué un sous-ministre à l'émission La Facture. Pardon?

«L'objectif est de maintenir l'offre de chambres gratuites et de respecter le choix des patients tout en maintenant [le] niveau de revenus», précise le ministère, en soulignant qu'à l'heure actuelle, la tarification supplémentaire «est défrayée, pour une large part, par des assureurs privés.» Un porte-parole donne en exemple l'hôpital Pierre-Le Gardeur, qui n'a plus que des chambres privées et semi-privées: si le patient a une assurance, on fait payer l'assureur, sinon l'accès est gratuit. On a beau dire que ce n'est pas nécessairement la formule qui prévaudra partout, c'est inquiétant.

Notre système public est fondé sur un principe très simple: que le coût des soins ne vienne pas alourdir le fardeau de la maladie. Chaque citoyen finance le système à la mesure de ses revenus, qu'il l'utilise ou non. Mais quand il l'utilise, il n'est pas inquiété par la facture.

Si la chambre privée ou semi-privée devient le modèle de base, comment peut-on prétendre la facturer?

Ce projet rappelle celui des futurs services en pharmacie, que Québec refuse de payer aux patients dont l'assurance médicament est au privé. C'est une tendance dangereuse.

Quand le système public refile la note aux régimes privés, ce ne sont pas les assureurs, mais les assurés et les employeurs qui écopent, et voient leurs primes augmenter.

Les suppléments pour chambres privées et semi-privées rapportent 60 millions par an dans tout le réseau. Leur disparition au CHUM et au CUSM ne représente qu'une fraction de cette somme. Québec pourrait facilement l'absorber. Il suffirait que le ministère fasse un peu de ménage dans ses dépenses, ou que le ministre renonce à quelques annonces. Bref, qu'on gère selon ses moyens.

Au lieu de ça, on cherche des façons de faire payer les patients. C'est du détournement de fonds au service de la mauvaise gestion. Et c'est inacceptable.

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