De leur aveu même, plus du tiers des Québécois qui vont à l'urgence s'y rendent pour un problème non urgent. Le quart en ressortent sans que leur problème ait été réglé, ou sans avoir reçu l'information nécessaire au suivi à domicile, montre une vaste enquête de l'Institut de la statistique du Québec rendue publique hier. Une preuve de plus, s'il en faut, de la mauvaise utilisation de nos ressources.

Les urgences n'ont pas le droit de refuser de patients au Québec. Il arrive qu'un hôpital particulièrement débordé demande à la population d'éviter son service durant une courte période, mais c'est à peu près tout. Résultat? Les cas non urgents, qui pourraient et devraient être soignés ailleurs, continuent d'entrer à pleines portes. Même les principaux intéressés le reconnaissent, c'est tout dire.

Un Québécois sur quatre a consulté un médecin à l'urgence dans la dernière année, montre l'enquête réalisée auprès de plus de 48 000 personnes en 2010-2011. Mais 36% d'entre eux le reconnaissent: ce n'était pas une urgence. Pensez à une salle bondée comme on en voit trop souvent aux nouvelles, et effacez un patient sur trois. Même si la plupart des civières y seraient encore, ça respirerait déjà mieux. Pourquoi, alors, s'infliger une telle épreuve? Sans surprise, les trois quarts de ces malades non urgents ont indiqué qu'ils n'avaient pas d'autre endroit où aller, ou qu'ils n'avaient pas accès à leur médecin habituel.

Il serait intéressant de poser les mêmes questions aux urgentologues. Leur estimation des cas qui n'ont rien à faire chez eux serait peut-être encore plus élevée.

L'hôpital est l'endroit où les soins coûtent le plus cher. Cette incapacité du reste du réseau à s'occuper des cas mineurs est une source de gaspillage importante. Et ce n'est pas le seul effet indésirable.

Presque un répondant sur quatre indique que sa consultation à l'urgence a peu ou pas contribué à régler son problème de santé. Et environ un sur trois dit ne pas avoir eu d'informations sur les symptômes à surveiller ou les médicaments à prendre après avoir obtenu son congé (on parle ici de tous les patients, pas seulement des cas mineurs).

Ces chiffres montrent à quel point les urgences sont loin d'être le meilleur endroit pour traiter des patients. Elles devraient être réservées aux problèmes dont elles seules peuvent s'occuper, c'est-à-dire les cas graves qui ne peuvent pas attendre. Leur efficacité, et l'attention donnée aux patients sortants, s'en trouveraient sans doute améliorées.

Il sera important de refaire cette enquête pour voir si l'augmentation récente du nombre d'omnipraticiens et de groupes de médecine familiale parvient à réduire les consultations inutiles aux urgences. Si ce n'est pas le cas, il sera grand temps de s'attaquer aux raisons pour lesquelles GMF, CLSC et autres cliniques sont incapables de s'occuper des patients non urgents - incluant leurs heures d'ouverture.

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