À force de crier au loup, les États-Unis ont développé une fâcheuse tolérance aux crises budgétaires. Nous en avons eu un nouvel exemple en fin de semaine, alors que le Congrès a préféré laisser tomber un couperet aveugle de 85 milliards de dollars plutôt que de trouver un terrain d'entente. Les conséquences sont pires qu'il n'y paraît.

Après avoir évité le précipice fiscal de justesse en janvier, et relevé le plafond de la dette in extremis un an et demi auparavant, républicains et démocrates ont jeté l'éponge la semaine dernière. C'est ainsi que des coupes absurdes, conçues pour forcer le Sénat et la Chambre des représentants à trouver mieux, sont entrées en vigueur dans la nuit de vendredi à samedi.

Même les Bourses ont observé la situation d'un oeil blasé. Les principaux indices américains ont terminé la semaine en hausse.

C'est vrai, la mécanique de ces compressions est beaucoup moins dévastatrice que celle du précipice fiscal. Une moitié frappera la Défense, l'autre sera répartie entre diverses agences gouvernementales, excluant la sécurité sociale et Medicare. Et les effets ne se feront pas sentir immédiatement, puisque les congés sans solde des fonctionnaires doivent être annoncés avec 30 jours de préavis.

Les perturbations sont pourtant inévitables. Les délais dans les aéroports et aux frontières terrestres seront les plus évidentes pour nous, mais les Américains seront touchés de maintes façons. L'aide à l'éducation, au logement et à la prévention du crime dans les milieux défavorisés, les secours aux sinistrés de l'ouragan Sandy, l'approbation des équipements médicaux et l'inspection alimentaire ne sont que quelques-uns des services visés. L'impact sera plus marqué dans les régions dépendantes du secteur de la Défense, où les revenus d'un grand nombre d'employés civils et de sous-traitants seront affectés.

Les retombées négatives se feront sentir de manières assez différentes d'une communauté à l'autre pour qu'il n'y ait pas de réaction en bloc de la population. De l'avis de plusieurs, l'économie américaine est désormais capable d'encaisser le choc. Bref, on peut avoir l'impression que républicains et démocrates n'ont pas fait un si mauvais calcul en tenant leur bout. À court terme, peut-être. Cependant, cette attitude perpétue une dynamique malsaine.

Comment les parties composeront-elles avec la prochaine échéance, le 27 mars? La gravité de l'enjeu (si son financement n'est pas prolongé, l'administration fédérale risque la paralysie partielle) devrait fouetter les troupes. Ces négociations pourraient même permettre d'atténuer les coupes automatiques. Mais que de temps perdu pour en arriver là!

Voguer ainsi de crise en crise ne règle rien aux finances publiques, et crée un sentiment d'urgence qui relègue les autres enjeux au second plan. Si ça continue, une bonne partie du deuxième mandat du président Obama risque d'y passer. Ce ne sont pourtant pas les problèmes pressants qui manquent à Washington...

akrol@lapresse.ca

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion