Le président de la commission d'enquête indépendante sur l'accident survenu à la centrale nucléaire Fukushima Daiichi fait preuve d'une belle humilité en jetant le blâme sur la culture japonaise. Mais ne nous leurrons pas: les causes de cette catastrophe sont universelles.

Réflexe d'obéissance, réticence à défier l'autorité, adhésion quasi religieuse au programme établi, conformisme au groupe et insularité sont à l'origine de ce «désastre de fabrication japonaise», dénonce le scientifique Kiyoshi Kurokawa en préface du rapport publié hier.

Les comportements en cause dans cette tragédie ne sont pourtant pas exclusifs au Japon. Ils sont inhérents à la nature humaine et pourraient se manifester n'importe où. Soyons-en conscients.

Le gouvernement, les autorités réglementaires et l'exploitant de la centrale, TEPCO, se sont drôlement bien entendus pour ne pas implanter les mesures préventives qui s'imposaient, constate-t-on à la lecture du rapport.

TEPCO en prend particulièrement pour son rhume. Les mesures d'urgence étaient déficientes, au point où des parties du manuel d'instruction en cas d'accident grave étaient manquantes. Et contrairement à ce qu'a prétendu l'entreprise, le tsunami n'est peut-être même pas responsable de ce monstrueux dérapage. Le tremblement de terre qui l'a précédé avait peut-être déjà endommagé l'équipement de sécurité. Un soupçon embarrassant pour TEPCO, dont la centrale n'était peut-être pas aussi résistante qu'elle aurait dû l'être. Et inquiétant pour les Japonais, dépendants de l'énergie nucléaire dans un archipel sujet aux soubresauts sismiques.

Le bureau du premier ministre et le gouvernement n'en sortent pas grandis non plus. Non seulement le bureau du PM a tardé à déclarer l'état d'urgence, mais son intervention directe auprès de TEPCO, et la mauvaise communication entre eux, ont nui aux interventions sur le terrain. La lenteur du gouvernement central à donner l'heure juste aux autorités municipales a par ailleurs semé la confusion durant les évacuations. Des résidants ont même été évacués, et laissés des semaines durant, dans des zones à hauts niveaux de radiation.

Les recommandations du rapport visent le Japon. Tous les pays qui abritent des centrales nucléaires devraient cependant faire leur examen de conscience.

L'entreprise qui fait jouer ses relations avec les autorités pour diluer la réglementation n'est pas une spécialité nippone. Au contraire, c'est un modèle largement répandu et toléré. Les élus qui ont les deux pieds dans la même bottine ou qui sont incapables de communiquer efficacement ne sont pas rares non plus.

Le drame de Fukushima a provoqué des remises en question de l'énergie nucléaire partout dans le monde. Il faut aller au-delà de ce réflexe émotif et s'occuper des menaces réelles - la mauvaise foi des exploitants, la mollesse des autorités, la faiblesse des mesures d'urgence. Il est là, le risque d'accident nucléaire.

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