Trois des molécules contre le cancer qui avaient été refusées le mois dernier seront finalement remboursées, confirme le ministre de la Santé. Une décision politique qui devance les recommandations de l'agence responsable d'évaluer les médicaments. Espérons qu'elle ne va pas s'y substituer.

L'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) avait fâché beaucoup de monde en déconseillant de rembourser quatre nouvelles substances anticancéreuses. Ces coûteux médicaments ont une certaine valeur thérapeutique, mais ils ne nous en donneraient pas pour notre argent, avaient jugé les experts indépendants. Une conclusion sévèrement critiquée par les groupes de pression, comme la Coalition Priorité Cancer et l'association des sociétés de recherche pharmaceutique. Ébranlé, le ministre avait demandé à l'INESSS de revoir sa copie.

Ce qui a été fait, avec beaucoup de sérieux. Le Tarceva, dont la valeur thérapeutique est jugée modeste, ne passe toujours pas le test. Pour les trois autres produits, par contre, l'INESSS recommande l'inscription «sur une base pilote» - une exigence sur laquelle elle insiste par des caractères gras. Conditions du projet pilote: négocier une entente de partage de risques financiers avec les fabricants et, pour l'un des médicaments, recueillir des données permettant de faire une réévaluation dans trois ans.

Des conditions justifiées, qui permettraient aux malades de recevoir ces traitements d'avant-garde sans vider les coffres du système de santé. Malheureusement, elles ont été complètement  évacuées de l'annonce du ministre. Oh, on continue de travailler là-dessus, mais pour plus tard. Les trois molécules réévaluées, elles, seront ajoutées à la liste des médicaments remboursables dès la mi-décembre. Point.

«Sur recommandation de l'Institut national d'excellence en santé»? Le titre du communiqué ministériel frise la malhonnêteté. Ce raccourci-là n'est pas de l'INESSS. Il serait d'ailleurs incompatible avec son mandat. La Loi, en effet, lui impose de considérer les coûts pour le système de santé. Est-ce encore une priorité à Québec? L'annonce d'hier envoie un bien drôle de message à l'industrie pharmaceutique.

D'autres régimes publics, notamment au Royaume-Uni, en France, en Colombie-Britannique et en Alberta, ont négocié des ententes de partage de risques pour obtenir les médicaments de pointe à moindre coût. Une expérience qui ne nous sera toutefois d'aucune utilité, car tout est gardé secret. La négociation, on le voit, sera rude. D'où l'importance de préserver notre rapport de force.

Car des molécules comme celles-là,  qui offrent une dernière chance à prix d'or, il y en aura de plus en plus. Les patients les réclament, c'est compréhensible. Comment notre système peut-il les leur offrir sans dépouiller les autres malades? L'agence d'évaluation des médicaments propose de pistes de solution. Aux sociétés pharmaceutiques, maintenant, de faire leur bout de chemin.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion