Comment cela a-t-il pu se produire? C'est la question que tous se posent lorsqu'une fraude éclate au grand jour dans une entreprise. C'est souvent la personnalité des dirigeants, plus que la gouvernance de la société, qui est en cause, concluent des chercheurs canadiens.

Michel Magnan, professeur de comptabilité à l'Université Concordia et ses deux coauteurs sont en train de mettre à jour leur étude originale de 2008. La recherche portait sur 15 sociétés canadiennes cotées en Bourse mises à l'amende pour états financiers frauduleux ou inexacts entre 1995 et 2005, comme Cinar, Bre-X, Hollinger et Mount Royal. La nouvelle version s'enrichira du cas de Nortel et d'entreprises de mêmes taille et secteur n'ayant pas commis d'irrégularités. Le travail n'est pas terminé, mais déjà, des tendances se dégagent.

La gouvernance des sociétés coupables est assez comparable à celle de leurs équivalentes sans tache, nous dit Michel Magnan. La plupart des conseils étaient composés d'une majorité d'administrateurs indépendants, par exemple. Par contre, les délinquantes, ainsi que leurs patrons, ont pour la plupart été couronnées d'une foule de distinctions, alors que leurs comparables honnêtes avaient des patrons plutôt discrets. Quelle ironie grinçante! Mais il y a plus. Cette débauche d'honneurs pourrait bien avoir contribué au problème en alimentant l'orgueil démesuré des dirigeants, avancent les auteurs. Avoir la grosse tête n'aide pas à avoir les idées claires. Il faut vraiment avoir perdu le contact avec la réalité pour s'imaginer pouvoir tripoter ses résultats sans jamais se faire prendre.

Nous ne croyons pas que la gouvernance, qui a fait l'objet de tant d'efforts au cours des dernières années, soit superflue. C'est un garde-fou indispensable. Il faut cependant être conscient qu'aucune limite ne garantit une protection absolue. Méfions-nous de la tentation d'imposer des règles trop rigides, qui ne nuiront qu'aux dirigeants honnêtes. Car les autres trouveront toujours moyen de les contourner, au moins pour un temps.

Femme de l'année en communications, classement du Hollywood Reporterà la fin des années 90, les honneurs pleuvaient sur Micheline Charest. Lorsqu'un dirigeant est porté aux nues, l'esprit critique du public aussi s'émousse. C'est pourtant là qu'il faudrait redoubler de vigilance, et se demander si l'histoire est trop belle pour être vraie.

Se méfier des patrons plus grands que nature peut paraître étrange en ces jours où l'on commémore le fabuleux parcours d'un PDG hors du commun. Mais Steve Jobs, ne l'oublions pas, n'a jamais manqué de critiques. Plusieurs de ses innovations aujourd'hui encensées ont été accueillies avec le plus grand scepticisme. Et si sa personnalité a contribué à l'image d'Apple, ce sont ses produits qui en ont assuré le succès commercial.

Peut-on en dire autant de chaque PDG flamboyant? C'est la question que chacun, investisseur, analyste ou média, devrait garder à l'esprit.

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