La seule évocation de son nom a électrisé le titre de Research in Motion (RIM) mardi. Si le célèbre investisseur Carl Icahn met ses billes dans le fabricant de téléphones sans-fil BlackBerry, la direction de l'entreprise a intérêt à attacher sa tuque. Mais est-ce vraiment ce dont la société de Waterloo, et l'industrie canadienne qui gravite autour d'elle, ont besoin? On en doute.

L'effet de la rumeur, pas encore confirmée ni infirmée au moment d'écrire ces lignes, s'est d'ailleurs rapidement essoufflé. Le titre, qui avait bondi de plus de 6% durant la séance de mardi, a clôturé 22,67$ hier à Toronto, effaçant presque tous ses gains de la veille.

La réaction initiale n'a rien d'étonnant. L'absence de coup de barre majeur de la part du tandem Balsillie-Lazaridis, alors que les mauvaises nouvelles s'accumulent et que le titre a perdu plus de 60% de sa valeur depuis le début de l'année, exaspère les actionnaires. L'idée qu'un brasseur de cage notoire comme Carl Icahn glisse un pied dans la porte a redonné espoir à plusieurs. On rêve de l'intervention musclée qui remettra l'entreprise sur les rails.

Sauf que des rails, dans le secteur où évolue RIM, ça n'existe pas. Il faut avoir le génie d'imaginer le meilleur chemin, celui vers lequel les consommateurs afflueront, et le défricher avant tout le monde. On l'a vu avec l'iPhone: le tracé n'a pas besoin d'être parfait, mais il doit être spectaculaire. Pas sûr que M. Icahn, qui a l'habitude d'entrer aux conseils d'administration à l'aide d'un bulldozer, soit la personne dont RIM a besoin en ce moment.

Le problème du géant canadien des télécoms n'est pas le gras, mais l'arthrite. RIM, jadis si agile, semble désormais percluse de rhumatismes, incapable de saisir l'air du temps ou d'avancer sans trébucher. Témoin la tablette PlayBook, dont la direction a récemment annoncé une révision de prix à la baisse dans un effort désespéré pour faire décoller les ventes. RIM n'est pas le seul fabricant à s'essouffler loin derrière l'iPad d'Apple, et la Fire lancée hier par Amazon ne fera peut-être pas mieux. Mais aucun n'a autant à perdre. Aucun ne tombe d'aussi haut.

RIM n'est pas une «marque brisée» comme l'a prétendu un analyste au printemps. Elle a perdu la main, mais ce n'est pas irréversible. Sauf que rien ni personne ne peut faire ça en quelques trimestres. Dégommer la direction, vendre les brevets ou scinder l'entreprise en deux ferait probablement grimper l'action à court terme, mais ça n'assure pas l'avenir de RIM. Et nous ne présumons pas ici de ce que ferait Carl Icahn: ces gestes d'éclat, d'autres les réclament déjà depuis plusieurs mois.

Il faut arrêter de fantasmer sur un traitement de choc qui ramènerait rapidement l'entreprise sur la voie de la croissance. La disparition de Nortel a déjà assez secoué l'industrie canadienne des télécoms. Elle ne se remettrait sans doute pas de celle de RIM.

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