Quand une fraude financière éclate au grand jour, il est souvent trop tard. Les coffres sont vides et les épargnants n'ont plus que des miettes à se partager. Le fisc, paradoxalement, est parfois le seul endroit où les victimes peuvent espérer récupérer un peu d'argent. Mais on pourrait faire davantage.

Aux États-Unis, le fisc a pris le taureau par les cornes. Devant le raz de marée provoqué par l'affaire Madoff, l'IRS (Internal Revenue Service) a publié une directive administrative spécialement destinée aux victimes de stratagèmes de Ponzi. Les pertes causées par de telles fraudes ne seront pas considérées comme des pertes en capital, mais comme des pertes causées par le vol, a tranché l'IRS. Les déductions auxquelles elles donnent droit ne s'appliquent donc pas seulement sur les gains en capital du contribuable, mais sur l'ensemble de ses revenus imposables. Une distinction importante, car elle permet à davantage de victimes de réclamer des sommes.

Cette disposition n'existe pas dans nos lois de l'impôt. Les entreprises peuvent déduire des pertes pour vol, mais pas les individus. Une situation qui devrait être corrigée pour les victimes de fraudes financières qui, souvent, perdent les économies de toute une vie, sans aucun espoir de se refaire.

Pour l'instant, les épargnants floués n'ont que deux moyens de recouvrer des sommes auprès du fisc. Ceux qui ont payé de l'impôt sur de prétendus revenus de placement peuvent faire une demande de redressement. Car il n'y a pas de rendement dans un stratagème de Ponzi. Les montants inscrits sur les relevés sont purement fictifs et les versements d'intérêt, quand il y en a, sont puisés à même les placements de l'investisseur.

L'argent perdu aux mains du fraudeur donne également droit à des pertes en capital. Mais comme nous l'avons mentionné, ce type de perte peut seulement être déduit d'un gain en capital. Pour un épargnant qui n'a réalisé aucun gain du genre dans les trois années précédentes, et qui n'a aucun espoir d'en faire dans le futur puisqu'il n'a plus un sou, ce n'est d'aucun secours. Une perte applicable sur l'ensemble du revenu imposable serait beaucoup plus utile. Évidemment, il y aurait encore des victimes qui ne pourraient pas s'en prévaloir, mais elles seraient tout de même plus nombreuses à pouvoir le faire.

L'avocat fiscaliste torontois Jack Bernstein a évoqué cette possibilité dans plusieurs articles, mais aucun politicien n'a encore saisi la balle au bond. Pourquoi? Une telle mesure mérite au moins d'être étudiée.

On s'étonne aussi que Revenu Canada n'ait pas encore émis de directives claires au sujet des fraudes financières. Le ministère n'a même pas pu nous indiquer le traitement fiscal réservé à ces pertes, une semaine après que notre collègue Michel Girard eut posé la question!

Selon nos informations, Revenu Canada et Revenu Québec se sont organisés pour s'occuper des ex-clients d'Earl Jones. Mais tous les scandales ne sont pas aussi gros, ni aussi médiatisés. Les contribuables sont-ils tous au courant des démarches qu'ils peuvent entreprendre auprès du fisc? Avec la multiplication des fraudes de type Ponzi (un cas en Colombie-Britannique la semaine dernière, un autre soupçonné au Québec cette semaine), il serait temps d'informer les victimes de leurs droits.

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