«Personne ne comprend!» déplorait cette semaine le chef de la direction de Microsoft, Steve Ballmer, au sujet de sa nouvelle alliance avec Yahoo!. Nuance: les actionnaires de Yahoo! ne voient pas l'affaire du même oeil que lui. Difficile de les blâmer. À peine plus d'un an après avoir offert 47,5 milliards US pour acheter l'entreprise de Sunnyvale, Microsoft a finalement obtenu ce qui l'intéressait sans avoir à signer de chèque aux actionnaires. Et avec cette entente de 10 ans, le portail n'est pas à la veille de recevoir d'autres propositions d'achat. Pas étonnant que le titre de Yahoo! ait perdu plus de 15% de sa valeur depuis l'annonce.

Sur papier, l'arrangement semble avantageux pour les deux partenaires. Yahoo! arrête d'investir dans le développement de son engin de recherche et refile la facture à Microsoft, tout en conservant 88% des revenus publicitaires de cette activité. Pas mal. Le géant de Redmond, de son côté, acquiert une ressource qui lui manquait cruellement pour améliorer son propre moteur: des données sur le comportement des usagers.

 

C'est cette capacité d'analyser des milliards de requêtes qui explique en grande partie le succès de Google. Ça et une obsession dévorante pour la technologie. Or, sur ce terrain-là, Yahoo! n'arrive plus à suivre. Le pionnier de l'internet a d'autres atouts, comme ses services de courriel et de nouvelles. Sur le front de la recherche, toutefois, l'entreprise a dû se rendre à l'évidence. Elle n'arrive pas à réduire l'écart avec Google.

Si l'entente reçoit l'aval des autorités antitrust américaines (ce n'est pas gagné), les pages de Yahoo! garderont le même look, mais les recherches se feront avec Bing, le moteur de Microsoft. Sauf que l'engin n'a rien d'une bombe. En fait, il est tellement poussif qu'on ne voit pas en quoi Yahoo! gagne au change.

Microsoft a l'air d'un conquérant qui, moyennant deux casseroles et un bout de verroterie, a réussi à mettre la main sur un superbe ballot de fourrures. Mais il n'est pas aussi au-dessus de ses affaires qu'on pourrait le croire. Avec Google Apps et son futur système d'exploitation Chrome OS, Google menace directement la croissance des produits vedettes de Microsoft, Office et Windows. En ciblant le lucratif marché de la recherche internet, Microsoft espère faire d'une pierre deux coups: aller chercher de nouveaux revenus et saper ceux de son concurrent.

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Dans l'immédiat, Google n'a rien à craindre. Ses usagers ne vont pas déserter son moteur pour Bing. Les annonceurs, par contre, ne resteront pas indifférents à la nouvelle offre groupée du tandem Microhoo!. En unissant leurs forces, les numéros 2 et 3 de la recherche ont de bonnes chances d'augmenter leur part de revenus publicitaires. Rien pour affamer Google, bien sûr. Mais peut-être assez pour le contrarier. Car c'est avec ces revenus que l'entreprise finance son développement dans d'autres secteurs.

Les deux alliés ont compris que leur seule chance de freiner la progression de Google, c'est de lui couper les vivres. Un plan un peu retors, et qui demandera du temps. Pas étonnant que les actionnaires de Yahoo! aillent voir ailleurs. Steve Ballmer perd son temps à essayer de les en dissuader. Pour les ramener, il faudra des résultats tangibles.

akrol@lapresse.ca

 

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