La directrice générale de l'OMS avait l'air d'un médecin qui annonce d'un ton grave à son patient: j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c'est que vous êtes en pleine pandémie de grippe. La bonne? Vous ne sentirez presque rien. Et le patient de se demander: dans ce cas, pourquoi en faire tout un plat?

C'est l'impression qui se dégageait de la conférence de presse de l'Organisation mondiale de la santé, hier à Genève. Un contraste frappant avec l'atmosphère qui régnait à l'assemblée annuelle de l'organisme, il y a trois semaines. Tout le monde était alors sur les dents, dans l'attente que l'alerte soit relevée au plus haut niveau. Lorsque le seuil fatidique a finalement été franchi hier, ça ressemblait plutôt à une formalité.

C'est que l'échelle pandémique de l'OMS n'a plus de secrets pour personne. Nous avons tous compris que le sixième et dernier niveau d'alerte mesure la transmission, et non la gravité de la maladie. En trois mois, la population a appris à appliquer les mesures d'hygiène qui limitent la contagion, à évaluer la gravité de ses symptômes et, surtout, à ne pas paniquer. La somme d'informations et de réflexes intégrés en si peu de temps est tout à fait remarquable.

Évidemment, le virus peut muter et devenir plus féroce. Mais dans son état actuel, la pandémie s'annonce étonnamment clémente, du moins dans les pays développés. Ce sont donc les populations qui s'inquiètent le plus du virus qui risquent le moins d'en souffrir. Au Québec, les autorités de santé publique en sont rendues à demander aux parents de ne pas emmener leurs enfants inutilement aux urgences - apparemment, certains centres hospitaliers sont débordés de cas sans gravité qui nécessiteraient simplement du repos à la maison. Si c'est là le plus gros mal de tête que nous cause cette pandémie, nous pourrons nous compter chanceux!

Nous devons cependant être conscients que les populations mal préparées risquent d'être frappées beaucoup plus durement. Il suffit de regarder ce qui se passe au Manitoba. Sur la vingtaine de patients affectés au point de devoir être branchés à un respirateur, plus de la moitié sont des autochtones. Un triste rappel des conditions de vie qui prévalent dans les réserves - habitations surpeuplées qui n'ont pas toutes l'eau courante, manque de médicaments et de personnel soignant.

La ministre fédérale de la Santé, elle-même inuite, vient d'annoncer l'envoi de médecins, d'infirmières et d'épidémiologistes dans les réserves touchées. Il faudra faire plus, surtout en matière de prévention. Le gouvernement fédéral ne peut pas tenir des conférences de presse où il annonce, sur un ton rassurant, que tout est «sous contrôle», alors qu'une partie de sa population est touchée. C'est indécent.

«Nous sommes là-dedans tous ensemble, et nous allons tous passer à travers, ensemble», a déclaré la directrice générale de l'OMS à la fin de son allocution. C'est bien joli, mais si nous ne faisons pas des efforts tous ensemble, et pour tout le monde, il y en a qui ne passeront pas à travers.

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