Dans le cadre de notre série sur la crise alimentaire mondiale, nous publions aujourd'hui le premier de deux éditoriaux sur le sujet.

L'histoire de la crise alimentaire a suivi la même trajectoire que celle des prix de l'essence. Après avoir fait beaucoup de bruit au début de 2008, elle s'est dégonflée en fin d'année. Mais dans un cas comme dans l'autre, le retour à la normale n'est qu'apparent. D'autres poussées inflationnistes sont à prévoir. Si on veut vraiment aider les régions vulnérables, il va falloir miser sur leur agriculture.

 

Les produits agricoles, comme les autres matières premières, ont amorcé l'année en lion et l'ont terminée en chaton. Souvenez-vous du blé, qui avait atteint un sommet délirant de 13,39$US le boisseau en février. Le contrat à terme s'échange aujourd'hui autour de 5$US. L'indice des prix FAO, composé de 55 denrées, a atteint un sommet historique en juin, avant de retomber en dessous de son niveau de 2007. Bonjour les montagnes russes!

Il faut savoir que les contrats à terme sur les denrées intéressent beaucoup de monde. Ces instruments financiers autrefois utilisés presque exclusivement par les agriculteurs et les fabricants alimentaires sont désormais très recherchés par les investisseurs institutionnels, comme les fonds de retraite. Cette spéculation accrue ne fait pas nécessairement monter les prix à long terme, mais elle en accentue grandement les fluctuations.

L'année 2009 s'annonce plus calme, mais il n'en faudrait pas beaucoup pour que les prix repartent en flèche. La flambée des cours avait au moins un avantage: inciter les fermiers des pays pauvres à semer plus. L'affaissement des prix risque fort de les en dissuader. Or les réserves mondiales demeurent faibles. Il suffirait de mauvaises récoltes en quelques points du globe, ou d'une remontée du pétrole qui raviverait l'intérêt pour les agrocarburants, pour que la production se raréfie et dope les prix.

La chute des cours a enlevé un peu de pression sur les populations vulnérables, mais ça ne règle pas tout. À la fin de 2008, la planète comptait 40 millions de personnes sous-alimentées de plus que l'année précédente, dont près du quart à cause de l'inflation alimentaire. Des familles qui consacraient de 50% à 70% de leur maigre revenu à se nourrir n'ont même plus les moyens d'acheter le minimum vital. L'affolement des marchés leur a enlevé toute dignité. Et on s'étonne que ça ait dégénéré en émeute à Mogadiscio ou à Port-au-Prince? Ces images-là, on ferait bien de ne pas les oublier. Il n'en faudrait pas beaucoup pour que la poudrière s'embrase de nouveau.

L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime qu'il faudrait investir 30 milliards de plus par an pour renforcer l'agriculture des pays en développement. De l'argent qui permettrait d'améliorer les semences et les méthodes de culture, d'irriguer les terres, de construire des routes. Des gestes essentiels pour rehausser le niveau de vie des petits producteurs et augmenter les quantités d'aliments disponibles localement. En rendant un pays moins dépendant des importations, on rend sa population moins vulnérable aux caprices des marchés.

Les grands donateurs sont-ils conscients de ces enjeux? Si c'est le cas, ils tardent à le montrer. Et la crise financière risque malheureusement de détourner leur attention de ces problèmes.

DEMAIN: LA SOLUTION VERTE

 

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