Ceux qui s'inquiètent de voir Montréal ceinturé par un système de péage peuvent se rassurer: ce n'est pas pour demain. À Londres et à Stockholm, deux villes souvent citées en exemple pour avoir implanté de telles mesures, l'idée a mis une vingtaine d'années à faire son chemin. Et pour qu'elle aboutisse, il faut satisfaire à plusieurs conditions, qui manquent encore dans la métropole.

On doit d'abord sentir une volonté politique claire bien au-delà du territoire visé par le péage. Or, les maires de banlieues sont loin de partager l'enthousiasme de l'administration Tremblay. Et le gouvernement Charest, pourtant à l'origine du retour des péages - sur les autoroutes 25 et 30 - s'est soigneusement tenu à l'écart du dossier. Pauline Marois, le premier chef à se prononcer sur le sujet depuis le début de la campagne, a indiqué hier que ce n'était pas dans ses plans.

Ensuite, il faut mettre la population dans le coup. Démontrer le comment (pas de poste de péage, donc pas de file d'attente ni de petite monnaie), le pourquoi (financement du transport en commun) et, surtout, les avantages pour les automobilistes et les résidants (circulation plus fluide, pollution réduite, accidents de la route moins nombreux).

L'Association québécoise du transport et des routes (AQTR), qui vient d'organiser une mission en Europe et un colloque à Montréal, a commencé à diffuser de l'information très pertinente sur le sujet. Mais il faudra la répercuter beaucoup plus largement, et à maintes reprises, pour que le public comprenne vraiment de quoi il est question.

Les trois villes visitées par l'AQTR (Londres, Stockholm et Milan) ont sensiblement augmenté leur offre de transport en commun avant d'implanter un péage. C'est une condition de réussite essentielle. Plusieurs annonces ont été faites en ce sens dans la région de Montréal, mais il en faudra bien davantage pour qu'une véritable amélioration se fasse sentir. Surtout que certaines mesures, comme les nouveaux wagons de métro, ne seront pas implantées avant plusieurs années. Les services actuels sont débordés. Ce n'est pas en y ajoutant des milliers d'automobilistes désireux d'éviter un nouveau péage qu'on rendra l'expérience plus agréable.

Milan a mis moins de 10 ans à se doter d'un péage, mais c'est un cas particulier. La zone contrôlée se limite au centre-ville historique - à peine 8 km2. Et on y trouvait déjà plus de 1000 caméras de surveillance qu'il a suffi d'intégrer au système. Ce sera plus compliqué à Montréal.

Implantée intelligemment, une telle tarification pourrait avoir de nombreux effets bénéfiques, autant pour les résidants de la grande région métropolitaine que pour ceux de l'île. Mais pour arriver là, l'administration Tremblay devra faire un énorme travail de vente, à tous les niveaux et à toutes les étapes du projet.

Aucune opposition n'est insurmontable. À Stockholm, un projet pilote de six mois a suffi à renverser les perceptions, pourtant très négatives à l'origine. Mais les autorités ont fait une démonstration convaincante. Le temps d'attente pour entrer au centre-ville a diminué de 30% à 50%, le trafic et les émissions de CO2 dans cette zone de 20% et 10% respectivement. Le transport en commun, on l'a dit, a été bonifié, et sa fréquentation a augmenté. Les commerçants, de leur côté, ont été très peu affectés. De quoi clouer le bec au plus grincheux. Mais sommes-nous capables d'en faire autant ici?

akrol@lapresse.ca

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