Le refus d’autoriser l’ancien président catalan Carles Puigdemont d’entrer au Canada a suscité l’indignation même si le dossier demeure encore, pour l’instant, nébuleux.

Ça se comprend. On a déjà dénoncé dans nos pages à plusieurs reprises la façon dont l’État espagnol a traité les indépendantistes catalans depuis l’organisation d’un référendum jugé illégal par Madrid, en octobre 2017. Or, voir l’un des porte-étendard du mouvement se faire sèchement rabrouer par les autorités canadiennes, sans offrir d’explications publiquement, est dérangeant.

D’autant plus qu’il avait initialement reçu l’autorisation de voyage électronique (AVE) nécessaire à son entrée au Canada, mais qu’elle a été par la suite suspendue. Forcément, ça donne l’impression qu’on nous cache quelque chose.

Le Canada est-il « complice de l’autoritarisme espagnol », comme l’affirme la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) ? Le refus est « tout à fait cohérent avec la complaisance du Canada à l’égard de l’Espagne dans ce dossier-là », a estimé hier Maxime Laporte, président de cette organisation qui avait invité Carles Puigdemont au Québec.

Au contraire, à Ottawa, on jure que la décision rendue n’a rien de politique. Elle serait strictement administrative. Un agent d’immigration aurait jugé qu’il y avait un problème avec la demande du politicien catalan. D’ailleurs, précise-t-on, il lui est actuellement possible de présenter une demande révisée. Et celle-ci est susceptible d’être acceptée.

L’avocat de la SSJB, Stéphane Handfield, a plutôt opté pour contester en cour supérieure la révocation de l’Autorisation de voyage électronique. Car s’il a gain de cause, Carles Puigdemont est certain de pouvoir entrer au Canada.

Une requête a été déposée lundi et, dans le cadre de ce processus, Ottawa devra fournir les motifs de la décision rendue. On saura alors ce qui a été reproché à l’ancien dirigeant catalan et on pourra mieux évaluer jusqu’à quel point notre degré d’indignation doit être élevé.

Ce qu’on peut néanmoins d’ores et déjà reprocher au ministre canadien de l’Immigration Ahmed Hussen, c’est de ne pas avoir désamorcé la crise promptement, en offrant par exemple à Carles Puigdemont un permis de séjour temporaire. Son prédécesseur, John McCallum, avait utilisé ce pouvoir discrétionnaire en 2016 pour permettre du député européen José Bové de participer à une série d’événements au Canada.

Ceci étant dit, s’il est clair qu’on doit permettre à Carles Puigdemont d’entrer au pays, on peut par contre s’interroger à savoir s’il s’agit, pour lui, d’une initiative judicieuse.

En Espagne, on accuse le politicien catalan, entre autres, de rébellion et de détournement de fonds public. Le gouvernement espagnol a déjà réclamé son extradition, alors qu’il séjournait en Allemagne. Ça n’a pas marché-la justice a refusé de l’extrader en vertu des accusations de rébellion-et l’Espagne a ensuite retiré le mandat d’arrêt international le visant, mais rien ne dit qu’elle ne va pas récidiver aussitôt qu’il sera au Canada.

Or, on l’a vu dans le dossier controversé de la femme d’affaires chinoise Meng Wanzhou, une fois lancé, un processus d’extradition doit suivre son cours. La crise qui pourrait en résulter serait nettement plus difficile à gérer, tant pour le politicien catalan que pour Ottawa.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion