Lorsque survient une tuerie de masse, les élus du pays touché se divisent souvent en deux camps et tiennent des discours diamétralement opposés.

1. Certains affirment que les armes à feu n'ont rien à voir avec de tels massacres, déclarent que le tueur avait un problème de santé mentale et promettent de prier pour les victimes. C'est ce qu'on fait presque systématiquement, depuis une vingtaine d'années, aux États-Unis. On joue à l'autruche.

2. D'autres prennent des mesures pour mieux encadrer la vente des armes à feu dans le but de minimiser les risques que de tels carnages se reproduisent. C'est ce que les élus néo-zélandais veulent faire rapidement. Ils ne feront pas, eux, l'autruche.

Le gouvernement de la Nouvelle-Zélande n'a pas perdu de temps. La première ministre Jacinda Ardern a annoncé qu'on saurait d'ici une semaine ce qui est envisagé.

Une autre preuve de leadership de la part d'une politicienne qui, jusqu'ici, a été louangée pour sa gestion de la crise qui frappe son pays.

Parmi les mesures évoquées, des armes à feu semi-automatiques pourraient être interdites. C'est, entre autres, ce qu'a réclamé le président de l'association de la police du pays (il a aussi dit souhaiter la création d'un registre national des armes à feu). On peut penser que les autorités voudront aussi limiter la vente des chargeurs de grande capacité utilisés par le tueur ; ce serait une excellente idée.

Notons que les Néo-Zélandais ont un bon exemple à suivre : celui de leur voisin australien, qui a lui aussi refusé de jouer à l'autruche. Dans ce pays, en 1996, un homme a massacré 35 personnes à l'aide d'une arme semi-automatique dans la localité de Port Arthur. Là aussi, le gouvernement a très vite opté pour un meilleur contrôle des armes à feu.

Les armes automatiques et semi-automatiques ont été interdites de façon presque systématique. On a mis sur pied un registre national et on a lancé un important programme de rachat des armes à feu. On a évalué à l'époque qu'une arme sur cinq avait été retirée de la circulation.

La décision a eu un impact mesurable. Les taux d'homicides et de suicides commis avec une arme à feu ont baissé de façon encore plus marquée qu'auparavant. Plus remarquable encore : il n'y a pas eu d'autre tuerie de masse avant l'an dernier en Australie (un drame familial où un père a tué sa femme, ainsi que sa fille et ses quatre enfants, avant de mettre fin à ses jours), soit 22 ans après celle de Port Arthur. Pourtant, avant ce crime atroce, il y avait eu 13 tueries de masse en l'espace de 18 ans.

« Le problème fondamental était la disponibilité d'armes à haut calibre, qui permettaient à certains de transformer leurs impulsions meurtrières en massacres », a résumé le premier ministre australien John Howard dans une lettre publiée par le New York Times il y a quelques années.

« Il est certain que des lacunes quant au traitement de la maladie mentale et à l'influence nocive des jeux vidéo et des films violents peuvent avoir joué un rôle. Mais rien ne surpasse l'accès facile à une arme à feu. Il est plus facile de tuer 10 personnes avec une arme à feu qu'avec un couteau », a-t-il ajouté.

L'attitude des élus de cette région du monde quant aux armes à feu pourrait inspirer nos propres politiciens.

Rappelons que le Parti libéral de Justin Trudeau avait dit, avant de prendre le pouvoir, vouloir « débarrasser nos rues des armes de poing et des armes d'assaut ».

Le projet de loi actuellement examiné par le Sénat - grâce auquel on améliore, notamment, l'examen des antécédents des acheteurs et où l'on redonne à la GRC le dernier mot sur la classification des armes à feu - est un pas dans la bonne direction. Il s'agit toutefois, hélas, d'une initiative encore trop timide comparativement aux promesses qui ont été faites par les libéraux avant le scrutin.

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