On a appris cette semaine que la facture des cinq centres de compostage et de biométhanisation qui ouvriront bientôt leurs portes à Montréal a gonflé d'une façon qui n'est pas sans rappeler les dépassements de coûts de récents projets majeurs au Québec.

Il y a cinq ans, on estimait que la Ville devrait débourser 237 millions pour ces centres de traitement des déchets organiques. On parle maintenant de plus du double : quelque 520 millions.

Est-ce que ça veut dire qu'il faut jeter l'éponge ? Que le statu quo - Montréal expédie actuellement ses déchets organiques dans des centres privés à l'extérieur de l'île pour qu'ils soient compostés - est souhaitable ? La réponse tient en un mot : non.

Et ça ne veut surtout pas dire non plus qu'il faudrait mettre la pédale douce et atténuer les efforts faits pour inciter les Montréalais à composter avec enthousiasme. Rappelons que nous avons des croûtes à manger en la matière. Selon le plus récent bilan montréalais, le taux de récupération des matières organiques n'était que de 20 %.

Pas question, donc, de baisser les bras. Ce serait illogique, pour toutes sortes de raisons.

Mais ces raisons, les élus montréalais auraient tout avantage à les exposer publiquement. Et clairement, dans le détail.

Pourquoi il est crucial pour la Ville de mieux contrôler la gestion des déchets organiques des Montréalais, par exemple. Et comment les centres prévus lui permettront d'utiliser ces déchets comme compost, mais aussi pour alimenter les édifices municipaux en énergie (biométhanisation). Chiffres à l'appui, s'il vous plaît !

La Ville devrait aussi faire savoir ce qu'elle épargnera sur le plan du transport - à la fois en coûts et en émissions de gaz à effet de serre (GES) - en traitant ces déchets sur l'île. Et nous expliquer jusqu'à quel point on pourra réduire la facture liée aux coûts d'enfouissement de ces déchets ainsi que les émissions de GES liées à leur décomposition.

Tant qu'à y être, ne nous arrêtons pas en si bon chemin : pourquoi ne pas instaurer un système qui permettrait de connaître la quantité de déchets organiques récupérés qui sont bel et bien recyclés et réutilisés ? Un indicateur de performance fort utile alors qu'on se rend bien compte, avec la crise du recyclage, que le risque est grand de se retrouver avec de bien mauvaises surprises.

Tant l'administration municipale que l'opposition semblent d'avis qu'il serait avantageux de réévaluer les coûts, mais qu'aller de l'avant avec l'initiative demeure fondamental.

On comprend que les coûts ont peut-être été sous-estimés dès le départ (pourrait-on trouver des façons de diminuer ce risque à l'avenir ?). On comprend aussi qu'il y a eu très peu de compétition à la suite des appels d'offres. D'où cette suggestion de l'opposition : « faire une analyse » pour voir si la Ville a pris les mesures nécessaires « pour avoir le plus bas soumissionnaire ».

Peu importe la stratégie envisagée, l'administration municipale doit tout faire pour éviter que le projet se transforme en gouffre financier.

Mais elle doit aussi ne pas perdre de vue qu'il est urgent de réduire de façon considérable la quantité de déchets organiques qui se retrouve actuellement dans les sites d'enfouissement. Ça représente en général près de la moitié du contenu de nos poubelles. C'est tout sauf insignifiant.

C'est urgent, aussi, en raison du retard pris ces dernières années. Il a d'ailleurs été déploré par la vérificatrice générale l'été dernier. Car à 20 %, le taux de récupération de ces déchets est bien loin de l'objectif le plus récent, qui était d'atteindre 60 % en... 2015.

« Le détournement des matières organiques de l'enfouissement constitue un défi colossal pour les municipalités », lisait-on dans le rapport de la vérificatrice générale. On s'en rend de nouveau compte cette semaine... Raison de plus pour tenter de le relever avec aplomb.

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La gestion des matières organiques à Montréal

71 125 Tonnes collectées

83,4 % Augmentation par rapport à 2012

20 % Taux de récupération

Source : Portrait 2016 des matières résiduelles de l'agglomération de Montréal

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